Interview

« 95% des agents de joueurs exercent parfaitement leur métier »

Ecofoot.fr s’est entretenu cette semaine avec Bertrand Cauly, Président du Syndicat National des Agents Sportifs (SNAS) et fondateur de l’Académie de Scouting International. Au cours de l’interview, Bertrand Cauly est notamment revenu sur certaines dérives liées à l’univers des agents tout en évoquant les méthodes utilisées par certains clubs de L1 pour mener leur politique de recrutement. Propos recueillis par Pierre Nicouleaud.

Pouvez-vous nous présenter le SNAS ? Comment est né ce syndicat ? Quelles sont les principales missions du SNAS ?

Le Syndicat National des Agents Sportifs (SNAS) existe depuis 2006. Nous l’avons créé avec Patrick Mendelewitsch puis j’ai pris la présidence de cette organisation à la fin de cette même année 2006. Le syndicat a pour but principal de défendre l’image de la profession d’agent.

Egalement faire comprendre que 95% des agents exercent parfaitement leur métier, et qu’il y a une toute petite minorité qui donne une image négative auprès du grand public. Enfin nous souhaitons faire évoluer la loi, mais les pouvoirs publics n’ont jamais souhaité comprendre l’essence de notre métier.

Combien d’agents sont aujourd’hui adhérents du SNAS ? Les agents sportifs sont-ils sensibles à l’importance d’adhérer à un syndicat pour défendre les intérêts de leur profession ?

Nous comptons une soixantaine d’adhérents. Pour la grande majorité, les agents ne sont pas très motivés à l’idée d’adhérer à un syndicat. Le mot fait peut-être peur pour une profession libérale comme la nôtre. Le plus compliqué est d’essayer d’avancer alors que les pouvoirs publics ne sont pas sensibles à nos proposions résumées dans notre livre blanc publié en 2006.

Quelles sont les dérives les plus courantes visibles au sein de la profession d’agent de joueurs ? Comment luttez-vous contre ces dérives ?

Avant toute chose, disons qu’il n’y a pas de bons et de méchants. Les clubs optimisent leur process de recrutement, et cela passe par une maitrise plus ou moins complète des agents. Cela est permis par la FFF et par la LFP. Ils ont donc parfaitement raison d’en profiter !

Ainsi, les dérives les plus courantes sont les clubs, qui prennent des intermédiaires qui n’en sont pas. Ils font sauter les mandats des intermédiaires qui ne leur plaisent pas, car ils ont le droit de le faire. C’est le paradoxe français, où il y a plus de lois que partout ailleurs, mais peu de personnes les respectent.

On a réussi à condamner une fois un faux agent en 2010, dans l’affaire Ngo Baheng. L’agent a été condamné à 1 000 € à payer au SNAS ainsi qu’à 6 mois de prison avec sursis. Mais c’est très compliqué, il faut plus d’attention de la part des pouvoirs publics pour que la lutte contre la fraude soit plus efficace. La FFF doit aussi arrêter avec sa demande symbolique de 1€ lorsqu’elle se porte partie civile.

Nous avons fait un livre blanc il y a quelques années, avec 2 mesures phares. La première : obligation pour un joueur, dès qu’il signe un contrat de la charte professionnelle d’avoir un agent enregistré auprès de la FFF. Sur le même principe que le notariat concernant l’immobilier.

La seconde, qui doit accompagner la première, concerne la protection des mandats, avec un principe simple de renversement de charge de la preuve. C’est à celui qui veut changer d’agent d’apporter la preuve de son impérieuse nécessité ! Laquelle n’existe jamais ! Nous avons déjà été auditionnés par plus de 10 députés et sénateurs sur ce sujet. Il nous est apparu évident que ces derniers n’ont aucune motivation pour nous écouter et prendre le risque de déplaire aux clubs. Seule une affaire grave pourra faire évoluer leur position.

Mais attention, nous n’en sommes plus très loin, prenez l’exemple des affaires Waris et Upamecano en 2016 où les tensions entre agents sont allées jusqu’aux aéroports, et même dans l’avion !

Quelles sont les bonnes pratiques que vous conseillez aux nouveaux agents sportifs entrant dans la profession ? A l’inverse, quels sont les pièges à éviter ?

Ne pas accepter de travailler pour un joueur sans qu’il ne signe un mandat. Car il n’y a rien de pire qu’un directeur sportif qui vous dit que vous êtes la énième personne à lui proposer ce joueur. Les joueurs sont dans une logique inversée et disent « trouve moi un club et je te signe un mandat ». Mais ce n’est pas la bonne solution pour eux non plus car il est catastrophique pour un joueur, qui se dit de haut niveau, de montrer qu’il ne sait pas s’entourer.

Deuxièmement, très vite, essayer d’avoir les très bons joueurs ! Il faut aussi bien connaître le marché, les effectifs, le système de jeu préférentiel des clubs auxquels l’agent propose des joueurs. Il faut éviter un maximum de faire perdre du temps aux recruteurs et aux directeurs sportifs.

Il faut également être proche de ses joueurs. Il faut que le joueur sente que son agent bosse dur pour lui.

Les agents n’ont pas tous les torts en matière de recrutement. Les clubs ne sont pas forcément bien organisés et préfèrent souvent, en raison de leur maîtrise de l’univers des agents, s’en remettre à un seul. Ce qui peut donner parfois des situations cocasses où l’on ne sait plus très bien qui est maître du jeu. Mais par rapport à une cellule de recrutement bien constituée, cette méthode reste très aléatoire. Pour rester gentil, on la qualifiera de développement peu durable. Cela peut donner lieu à des affaires comme celle de Williams à Amiens.

Pour vous donner un ordre d’idée, les clubs belges ont cinq fois plus de scouts que les clubs français en moyenne. Donc les clubs n’étant pas assez structurés se laissent guider leur politique de recrutement par des agents.

Existe-il une prise de conscience de la part des clubs ?

C’est difficile de faire une généralité concernant les clubs, car il y a des écarts importants dans les moyens alloués au recrutement. Mais globalement, beaucoup d’observateurs pensent que nous avons, en France, un retard important en matière de formation des recruteurs. Mais aussi dans l’accueil des agents français ou étrangers. Il n’est pas rare hors de l’Hexagone, d’être super bien installé au stade, et de repartir avec des souvenirs du club que l’on a visité (maillot, livres…). C’est un ensemble de bonnes pratiques à acquérir.

Aussi, en 2015 j’ai créé l’ASI, Académie de Scouting International, afin de répondre à ce besoin et sensibiliser ceux qui le veulent à cet état d’esprit.

Cette formation, basée sur Paris, fait intervenir des professionnels du football. Elle est a destination des clubs, mais aussi des agents, ou autres professionnels du football. Concernant les clubs, nous avons collaboré avec Nice, Créteil et le Red Star notamment.

Nous abordons des thèmes techniques, juridiques, tactiques, mais aussi l’étude des différentes datas. C’est, je pense, un bon moyen pour acquérir un savoir faire dans un secteur où le football français dispose d’un gisement d’opportunités considérables !

Propos recueillis par Pierre Nicouleaud  

Source photo à la Une : Capture vidéo Youtube (Mediapart)

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