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Politique / Droit

« Nous sommes à l’orée d’une longue séquence judiciaire »

Romain Biard / Shutterstock.com

Alors que la Ligue de Football Professionnel a mis fin le 30 avril dernier à la saison 2019-20 en établissant le classement de Ligue 1 à l’issue de la 28e journée tout en appliquant la méthode des quotients ; certaines formations de l’élite s’estimant lésées par une telle décision ont dernièrement menacé d’intenter des recours pour faire valoir leurs droits. Les décisions prises par la LFP peuvent-elles alors être remises en cause par une décision de justice ? Me Erwann Mingam, Avocat Associé et Co-Fondateur du cabinet WM Law, nous livre ses analyses sur cette situation inédite. Entretien.

Lors de la conférence de presse téléphonique organisée par la LFP jeudi 30 avril pour annoncer la fin de la saison 2019-20 de L1 & L2, Nathalie Boy de la Tour, Présidente de la Ligue, a indiqué que « les décisions prises par la LFP sont actées et solides. Nous sommes dans un cas de Force Majeure ». A vos yeux, le cas de « Force Majeure » est-il avéré ? La prononciation de la fin de la saison 2019-20 et la validation des classements selon la méthode des quotients peuvent-elles être contestées juridiquement ?

Tout d’abord, la notion traditionnelle de force majeure à proprement parler est incertaine. De manière générale, on sait qu’elle implique trois critères traditionnels : l’imprévisibilité, l’irrésistibilité, et l’extériorité. Depuis le début de la crise sanitaire, on lit tout et son contraire sur l’existence d’une réelle force majeure (par exemple pour les contrats commerciaux), tenant notamment à la réunion ou non des critères d’imprévisibilité de l’épidémie, et d’irrésistibilité de ses conséquences. Les premières tendances jurisprudentielles semblent aller vers une reconnaissance de la force majeure liée au Covid-19, notamment un arrêt de la Cour d’Appel de Colmar du 12 mars 2020, rendu en matière de droit des étrangers, et qui a retenu les conséquences de la pandémie comme situation de force majeure. Toutefois, il faut être prudent car c’est une matière très particulière et d’autres précédents jurisprudentiels, liés au chikungunya ou à la dengue, ont écarté cette notion par le passé. De même, le fait que certains championnats étrangers reprennent est de nature à questionner le caractère irrésistible de la situation sur les compétitions de football professionnel.

En revanche, en ce qui concerne la LFP, une notion particulière entre en jeu : c’est celle du « fait du prince », c’est-à-dire une décision impérative d’une autorité publique, qui a les mêmes caractères que la force majeure. En l’occurrence, il s’agit de considérer que la décision gouvernementale, telle qu’exprimée par Edouard Philippe dans son discours du 28 avril 2020, était bien d’exclure toute reprise des compétitions de la saison 2019-2020. Il ne faut pas oublier que la LFP est titulaire d’une subdélégation qu’elle tient de la FFF, qui elle-même tient sa délégation du Ministère des Sports. Ainsi, lorsque le pouvoir exécutif, délégant, donne un ordre à son délégataire, il est très difficile pour ce dernier de passer outre, sauf à risquer de voir remettre en cause sa délégation. Cela serait certes très peu probable, mais on a un exemple récent de l’influence d’une intervention du Ministère dans les décisions d’une Fédération investie d’une délégation – je pense ici à la Fédération Française des Sports de Glace. Dès lors, il me semblait impossible pour la LFP – et pour la FFF puisque son Président a clairement et publiquement pris position en ce sens – de faire autrement que d’acter la fin de la saison 2019-2020.

Reste la question de la méthode de validation des classements :

« Nous sommes à l’orée d’une longue séquence judiciaire »
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