Interview

Le PSG peut-il faire voler en éclats le fair-play financier ?

Alors que le PSG est actuellement titillé par l’UEFA, agissant sous la pression de grands clubs européens, concernant le respect des règles du fair-play financier, la direction du club parisien semble attendre avec calme et sérénité les décisions prises par la confédération européenne. Charles Le Lez, ancien avocat fiscaliste et chargé d’enseignement en droit fiscal, nous explique pourquoi le PSG affiche une telle sérénité sur ce dossier.

En quoi la question du respect du fair-play financier par le PSG intéresse-t-elle les fiscalistes ?

Il peut en effet paraitre contradictoire qu’un fiscaliste aborde ces questions. Le fonctionnement des institutions sportives, telles que l’UEFA dans le cas présent, relève en général de la compétence des spécialistes du droit du sport.

Néanmoins, en ce qui concerne l’arrivée de Neymar et de Mbappé au PSG et plus généralement la question du fair-play financier, l’avis d’un fiscaliste peut être précieux. Car le club parisien sera dans l’obligation de respecter les règles du droit comptable et fiscal français.

Ainsi, des questions telles que « A quel moment doit-on enregistrer l’arrivée de joueurs dans ses comptes ? » ou encore « Quelles sommes faut-il enregistrer ? » relèvent en pratique du droit fiscal. C’est dans cette matière que nous trouvons la jurisprudence la plus abondante, permettant de répondre à ce type de questions.

Quels sont les points du règlement du fair-play financier que le PSG pourrait enfreindre ?

Le fair-play financier tel qu’il a été conçu par l’UEFA agit à deux niveaux. Premièrement, les clubs ne peuvent dépasser une limite de 30 M€ de déficits sur une période de trois ans. Mais certaines dépenses peuvent être exclues du calcul comme les budgets alloués à la formation, au développement du football féminin, à la modernisation des infrastructures…

Ensuite, l’UEFA réalise également un contrôle de l’origine des fonds. Par exemple, elle interdit le recours à un financement massif réalisé par l’actionnaire. L’UEFA se considère également compétente pour examiner les documents produits et les remettre en cause dans leur principe ou leur montant.

D’un point de vue financier, sommes-nous certains que le PSG dépassera la barre des 30 M€ de déficits sur une période de 3 ans à l’issue de la saison 2017-18 ?

Pas du tout ! On oublie trop souvent dans nos analyses que les transferts sont amortis sur la durée totale du contrat. Prenons l’exemple de Neymar Jr : les 222 M€ liés à son transfert ne seront pas intégrés dans leur totalité dans les comptes 2017-18 du club. La somme sera amortie sur 5 ans et une charge à hauteur de 44,4 M€ par exercice sera associée à cet investissement. Le cas Mbappé est encore différent car le PSG a obtenu le joueur via un prêt avec option d’achat.

En revanche, lors de la vente d’un joueur, le club inscrit dans ses comptes la totalité de la somme perçue, moins la valeur résiduelle. Or, le PSG a vendu pour plus de 65 M€ lors de ce mercato estival. En y associant les salaires, le club parisien a amélioré son résultat de l’ordre de 104 M€ par ce biais.

Enfin, il ne faut pas oublier que le club parisien va connaître une hausse importante de ses revenus marketing liés au recrutement de joueurs à fort potentiel. Selon plusieurs dirigeants du football français, dont notamment Bernard Caiazzo, le PSG ne devrait pas rencontrer de difficultés pour respecter les règles du fair-play financier.

L’UEFA peut-elle sanctionner le PSG même si ce dernier venait à respecter la règle des 30 M€ de déficits ? Par exemple, peut-elle sanctionner le club pour un apport trop important de l’actionnaire concernant la concrétisation du transfert de Neymar Jr ?

En effet, l’UEFA va sans doute étudier très attentivement le montage mis en place par le PSG pour s’offrir Neymar Jr. Si elle considère que l’apport financier de l’actionnaire est trop important, elle pourrait prononcer des sanctions. Notamment en raison de la pression exercée par les autres grands clubs européens.

L’UEFA respecte-t-elle le droit français en faisant appliquer le fair-play financier ?

La question est pertinente. En effet, l’UEFA se permet des actions que le juge français interdit à tous, et même à l’administration fiscale, pourtant dotée de très gros pouvoirs en France !

Par exemple, le juge français refuse à l’administration fiscale la possibilité de s’immiscer dans la gestion des entreprises. Or, c’est précisément ce que fait l’UEFA en interdisant les investissements des actionnaires des clubs de football. De même, la justice française interdit la remise en cause des actes juridiques hormis le cas de l’abus de droit.

Enfin, il convient de rappeler que la liberté d’entreprendre est un droit constitutionnel en France. Et la loi peut seule y apporter des limites. Or, interdire à un actionnaire de couvrir les déficits d’une entreprise porte atteinte à ce principe.

Malgré le montage réalisé pour recruter Kylian Mbappé, l’UEFA peut-elle contraindre le PSG à inscrire la première année d’amortissement de la transaction dans ses comptes 2017-18 ?

Elle peut le faire. Mais ça poserait encore un problème juridique. Les règles d’enregistrement comptable sont fixées par des règlementations françaises ou internationales. Et l’UEFA n’a aucune autorité pour modifier ces principes.

Dans le cas du prêt de Kylian Mbappé, son acquisition est frappée d’une condition suspensive. L’achat doit donc normalement être enregistré en 2018 et seul le juge français peut en décider autrement.

Si le PSG venait à attaquer une décision de l’UEFA en justice, aurait-il une chance de gagner ?

En tout cas, le PSG serait loin d’avoir perdu, et pour plusieurs raisons ! Premièrement, le juge français déteste qu’on limite son pouvoir. Ensuite, concernant plus précisément le fair-play financier, si la partie contrôle de gestion est légitime, les autres points du règlement sont contestables ! Enfin, la Cour de Cassation s’est déjà jugée compétente pour trancher un litige opposant un citoyen français à la FIFA.

Bien que les arguments des adversaires du PSG soient recevables (concurrence déloyale, entité contrôlée par un pays…), ce n’est pas à l’UEFA de trancher ce genre de questions. Cela doit se régler devant les tribunaux français ou européens et non devant une instance sportive.

Peut-on espérer une sortie de crise à l’amiable entre les différentes parties ?

Le conflit est avant tout politique. On peut donc espérer un accord politique pour sortir de cette situation.

A mes yeux, la meilleure solution serait de réaliser une profonde réforme du fair-play financier, afin de limiter le dispositif à un strict contrôle de gestion. Une solution qui a notamment été évoquée dernièrement par le manager d’Arsenal, Arsène Wenger.

Source photo à la Une : Wikipedia.org – CC BY 3.0

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