Edito

Edito – Le football amateur va mal

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Le football amateur peut-il subitement transformer son modèle, en acceptant une baisse conséquente de ses subventions ? Pierre Rondeau, Codirecteur de l’Observatoire Sport et Société à la Fondation Jean Jaurès, demande au gouvernement de prendre conscience des problématiques affrontées par le football amateur avant d’appeler à sa transformation.

Alors que la France vient de remporter le Mondial, que le pays a vécu 5 semaines de pur bonheur, d’allégresse et de célébrations, que la formation footballistique est louée et encensée à travers le monde, que les Bleus ont vu leur cote de popularité et leur notoriété exploser, que le gouvernement a applaudi un domaine d’exception, de réussite, de joie, et en a grandement profité ; un secteur en particulier perçoit très mal ces effusions collectives.

Ce secteur, c’est le football amateur. Fournisseur de talents, producteur de vivre-ensemble et de cohésion, soutien de la fraternité et de la solidarité locale, il vit actuellement des heures difficiles et pratiquement rien n’est fait pour le soutenir.

La récente suppression des emplois aidés, votée en novembre dernier par le gouvernement Macron-Philippe, n’a rien fait pour améliorer les choses. A cela se rajoute une baisse constante des dotations du ministère des sports, réduit de 7% en 2017, avec deux hausses historiques en 2015 et 2016, une réduction des subventions publiques locales et nationales et, pis encore, une soustraction sans commune mesure du budget du Centre National pour le Développement du Sport.

Et les récentes déclarations politiques maintiennent ce cap incompréhensible et dangereux. La Ministre des Sports, Laura Flessel, le 19 juillet dernier, est même allée jusqu’à affirmer, devant des sénateurs médusés, « que l’Etat n’avait pas à financer durablement les clubs de sport », appelant ainsi le secteur à faire sa révolution et à trouver de nouvelles formes de fonctionnement.

Mais aucune contrepartie n’a été proposée, rien n’a été fait pour adoucir et alléger ces changements, pour prévenir le péril et protéger les clubs, souvent peu préparés et à la comptabilité plus que fragile. Une étude, réalisée par Call4sport, en collaboration avec le site Foot Amateur montre à quel point le secteur va mal.

Sur les 14 993 clubs de l’Hexagone, Foot Amateur et Call4sport ont interrogé 1720 équipes, soit 11.5% de l’ensemble (statistiquement significatif). Il en découle que, sur les sondées, 60% font face à une baisse de leurs dotations publiques et 46% déclarent connaître une diminution des recettes d’activité depuis plusieurs années.

Mais les résultats les plus inquiétants viennent après : 80% des clubs interrogés affirment avoir du mal à joindre les deux bouts et 66% pensent augmenter le prix des cotisations et des licences face au désengagement progressif de l’Etat et des collectivités.

Le site Foot Amateur, dans son enquête précise que, bien que l’objectif du football soit d’être à la portée de toutes les bourses, « cela ne paraît plus possible aujourd’hui, notamment en raison des contraintes demandées par les instances ». Et de poursuivre « la victoire en Coupe du Monde ne va pas améliorer ce constat ».

Voilà où nous en sommes. Sous l’autel de la rigueur budgétaire et de l’assainissement des comptes, le pouvoir politique vilipende et détruit l’essence indispensable au vivre-ensemble, le terreau de notre force et de notre renommée, le pourvoyeur de notre éclat et de notre fierté.

Mais l’argent dépensé dans le sport rapporte plus qu’il ne coûte ! Le multiplicateur économique et social est, de très loin, supérieur à 2 et garantit, à bien des égards, tous les investissements consentis.

Pourtant, on maintient le débat et on réduit le discours à un vulgaire champ politique, à une droite supposée pragmatique contre une gauche soi-disant idéaliste. Mais le secteur du sport, ce n’est pas ça. Il dépasse toutes les obédiences, tous les paradigmes et ne sert qu’un seul but : celui de la cohésion et du bien-être collectif.

Alors on continue comme ça ou on décide d’agir ?

Par Pierre Rondeau  Codirecteur de l’Observatoire Sport et Société à la Fondation Jean Jaurès

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