Edito

L’Etat doit participer au financement du sport pour tous

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Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock.com

L’Etat et les collectivités publiques doivent-ils toujours contribuer au financement du sport amateur ? Pierre Rondeau, Codirecteur de l’Observatoire Sport et Société à la Fondation Jean Jaurès, s’oppose catégoriquement au discours tenu hier au Sénat par Laura Flessel. Discours au sein duquel la Ministre des Sports prône la mise en place d’un nouveau modèle de financement pour le sport français, avec en substance, un désengagement progressif de l’Etat.

Trop c’est trop. Après la suppression de plus de 120 000 emplois aidés, après la baisse drastique du budget du CNDS, après la réduction continue des subventions et des dotations en faveur du secteur amateur, après la diminution de la dotation du ministère des sports, après la disparition de l’ISF et de l’incitation des dons en faveur des associations sportives, on pensait que la politique sportive du gouvernement Macron-Philippe ne pouvait pas être pire. Nous en étions loin.

Jeudi 19 juillet, alors que le pays célébrait la victoire des Bleus en Coupe du Monde, alors que le Président félicitait « les petites mains du football », ces milliers de bénévoles des clubs, alors que les Parlementaires débattaient sur la nécessité de reverser au sport amateur tout ou une grande partie des recettes glanées par le Mondial, la ministre Laura Flessel se lançait dans un discours plus qu’attristant.

« J’ai engagé une réforme profonde de la gouvernance du sport, qui n’a pas bougé depuis 60 ans. […] Cette nouvelle gouvernance va conduire à une mutation économique du modèle sportif français parce que, je l’assume, ce n’est pas le rôle de l’Etat de financer durablement les clubs sportifs » déclara-t-elle au Sénat.

Nous en sommes là, en 2018. Une ancienne championne Olympique, ayant profité, dès sa prime enfance, de l’accueil et des infrastructures exceptionnels du sport français, favorisés par la logique verticale de solidarité, financés en très grande partie par l’Etat et les institutions, par les collectivités et les fédérations, par une redistribution du haut vers le bas, des bien portants aux mal portants, vient remettre en cause ce modèle au profit d’un objectif de modernisation et d’assainissement des comptes.

Mais le sport pour tous, ce n’est pas ça. Les clubs sportifs n’ont pas comme but de trouver leur indépendance financière. Ils sont l’essence même de la cohésion et du vivre-ensemble, ils ne recherchent pas la pérennité budgétaire mais la durabilité sociale, ils servent l’intégration avant la rentabilité.

Comment des clubs d’escrime, de judo, de volley, de natation ou de basket, des disciplines pourvoyeuses de médailles dans les grandes compétitions internationales, pourront-ils trouver une stabilité financière durable et autonome avec des coûts qui ne cessent d’augmenter, des frais de gestion en hausse permanente et un désengagement continu de l’Etat ? Comment des infrastructures sportives, dont leur rôle est de garantir l’intégration, le bien-être, la fraternité et la solidarité, pourront-elles maintenir leur solvabilité sans aucune aide, sans aucune subvention ni aucune dotation ?

Comment la sextuple championne du monde d’escrime peut-elle raisonner de la sorte ? Comment peut-elle considérer que le sport pour tous, le sport de masse, le sport populaire, doit se financer seul et durablement ? Il ne fonctionne pas de cette manière. C’est un service de proximité, il n’a pas, comme objectif, de générer des bénéfices ou de la rentabilité à tous les niveaux, mais cherche d’abord le bien-être et le bonheur de toutes les pratiquantes et les pratiquants, sans distinction ni discrimination.

Faudra-t-il, dans l’avenir, débourser, comme dans les salles de sport privées, plus de 500€ pour obtenir une licence, pour pouvoir jouer au football, au rugby ou à l’escrime ? Le sport privatisé deviendra-t-il une pratique bourgeoise et onéreuse, niant sa solidarité universelle ?

Nous y allons tout droit avec ce genre de déclaration.

Par Pierre Rondeau  Codirecteur de l’Observatoire Sport et Société à la Fondation Jean Jaurès

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