Implication fans
Marketing

Jusqu’où faut-il impliquer les fans au spectacle sportif ?

PA Images / Icon Sport

Pour capter l’attention des jeunes générations, certains organisateurs d’événements sportifs ont mis en place ces dernières années des mécaniques d’engagement pouvant avoir une incidence sur le résultat des compétitions. Une recette disruptive qui surfe sur les habitudes de consommation et les aspirations de la Génération Z mais qui n’est pas adaptée à toutes les disciplines. Enquête.

« Voulons-nous appréhender le futur avec un regard nostalgique ? Il est de notre devoir que le football reste, dans les prochaines décennies, le sport le plus populaire au monde […] La génération Z sera bientôt en âge de payer pour ses loisirs. Mais leur offrons-nous aujourd’hui un produit correspondant à leurs attentes ? Nous devons leur proposer des compétitions excitantes. » C’est en ces termes qu’Andrea Agnelli, patron de la Juventus FC, s’est exprimé lors de l’édition 2021 de Think Football, préparant alors le terrain pour annoncer quelques mois plus tard la naissance du projet de « Super Ligue » européenne.

Si la solution envisagée par le dirigeant turinois, à base de ligue fermée et de blockbusters proposés chaque semaine aux fans, a suscité de fortes divisions au sein du football européen ; en revanche, le constat émis sur la difficulté à convertir les publics de la GenZ en fans est partagé par de nombreux professionnels et observateurs du secteur. Une étude conduite par l’ECA en août 2020 portant sur 7 marchés clés et émergents – Royaume-Uni, Espagne, Allemagne, Pologne, Pays-Bas, Inde et Brésil – mettait en lumière un décrochage de l’intérêt pour le ballon rond au sein de la tranche d’âge des 16-24 ans.

Une problématique qui ne concerne pas exclusivement le football. « Plusieurs études, en provenance notamment des Etats-Unis, indiquent une relative désaffection des jeunes générations pour le spectacle sportif traditionnel. Seule la NBA semble résister à ce phénomène » nous indique ainsi Boris Helleu, Enseignant-Chercheur à l’Université de Caen-Normandie. « Nous devons réaliser un meilleur job en termes de communication pour mieux mettre en lumière la notion de fan auprès de la GenZ » exprimait au mois de janvier dernier au New York Times Chris Marinak, Directeur de la stratégie et des opérations de la MLB, confirmant à demi-mot les difficultés de plusieurs ligues majeures américaines de renouveler leur fan-base.

« Impliquer les fans dans la réalisation d’une performance sportive peut être perçu comme une rupture d’égalité »

Boris Helleu – Enseignant-Chercheur – Université de Caen-Normandie

Souhaitant surfer sur les habitudes de consommation des jeunes générations tout en profitant de l’immobilisme affiché par les acteurs traditionnels pour conquérir rapidement des parts de marché, certaines nouvelles compétitions ont alors imaginé des mécaniques participatives visant à impliquer les fans dans le déroulement des événements en direct. C’est le cas notamment du championnat de Formula E qui a introduit dès sa première saison le concept de Fan Boost. Les suiveurs de la compétition sont alors invités lors de chaque E-Prix à choisir le pilote auquel ils accorderont un surplus de puissance de 5 secondes durant la deuxième partie de la course. Les 5 pilotes recevant le plus de suffrages disposeront de ce bonus durant l’épreuve. D’autres compétitions ont depuis emboité le pas de la Formula E en proposant des mécaniques participatives influençant le résultat sportif à l’image de la Fan Controlled Football League – championnat privé de football américain disputé en indoor – qui va jusqu’à permettre aux fans de choisir le schéma tactique ou encore la composition des équipes.

Privilégier l’engagement à l’implication

Ces artifices visant à octroyer aux fans un pouvoir d’influence sur le déroulement d’un événement sportif sont-ils adaptés aux compétitions dites traditionnelles ? « Impliquer les fans dans la réalisation d’une performance sportive peut être perçu comme une rupture d’égalité. Le résultat sera alors considéré comme tronqué. La Formula E a pu mettre en place le principe du Fan Boost car c’est une nouvelle compétition. Cette innovation colle au positionnement de la discipline. Mais pour une discipline plus traditionnelle, c’est difficile de faire accepter un tel dispositif » analyse alors Boris Helleu. « Le sport a tendance à adopter une philosophie conservatrice. On a eu l’occasion de s’en rendre compte lors des innombrables débats et discussions entourant l’introduction de l’arbitrage vidéo dans le football. Mettre en place des innovations de rupture pourrait complètement perturber le cœur de cible des organisations sportives » poursuit alors l’enseignant-chercheur.

Jusqu’où faut-il impliquer les fans au spectacle sportif ?
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