Politique / Droit

Quelles sont les peines encourues par le spectateur en cas d’infraction ?

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En tant que sujets de droit, les spectateurs sont pénalement (et civilement) responsables de leurs actes. Ils peuvent ainsi se rendre coupables de violences volontaires ou involontaires, de mise en danger délibérée de la vie d’autrui, d’exhibition sexuelle ou encore d’atteintes volontaires aux biens.

A ces infractions de droit commun s’ajoutent d’autres incriminations – dites spéciales – nécessaires voire indispensables afin de garantir le bon déroulé de la manifestation sportive ou de la retransmission en public d’une telle manifestation dans un stade. En football, ces infractions sont par exemple encadrées par le règlement de la FIFA sur la sûreté et la sécurité des stades.

Mais ces comportements n’ont pas toujours été incriminés. Il a fallu attendre 1993, année tristement marquée par de violents affrontements survenus à l’occasion de matches de première division, pour distinguer les prémices d’une prise de conscience collective des pouvoirs publics.

Avant cette date, la répression pénale était quasi-inexistante. Les supporters pouvaient par exemple introduire dans un stade des fusées, des banderoles injurieuses ou encore arracher des sièges afin de les utiliser comme projectiles et ce, sans le moindre risque de sanction pénale ! Le droit commun ne pouvait pas être invoqué pour incriminer ces comportements en raison du principe d’interprétation stricte de la loi pénale, clairement affirmé par l’article 111-4 du Code pénal : « la loi pénale est d’interprétation stricte ». Ce prolongement naturel du principe de légalité des délits et des peines implique que le juge soit tenu par les limites de la loi qu’il est chargé d’appliquer. En d’autres termes, un comportement qui n’est pas expressément réprimé par le législateur ne peut pas être sanctionné par le juge.

Pour faire face à cette insécurité juridique et civile, une première loi a été adoptée en urgence le 6 décembre 1993 (loi n°93-1282 relative à la sécurité des manifestations sportives).

D’autres lois – préventives et répressives – sont ensuite progressivement entrées en vigueur afin de lutter durablement et efficacement contre les dérives du supportérisme.

Des infractions classées selon la gravité de la peine encourue

Introduction d’engins pyrotechniques et armes : 3 ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende

Selon l’article L332-8 du Code du sport, l’introduction, la détention et l’usage de fusées ou artifice de toute nature, ou de tout objet susceptible de constituer une arme au sens de l’article 132-75 du Code pénal dans une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive, est strictement prohibée.

Il s’agit d’une infraction obstacle. Cette dernière ne requiert pas de résultat pénal pour pouvoir être caractérisée et se consomme donc indépendamment de toute notion de préjudice ou de dommage. L’acte matériel reproché à l’auteur va avoir pour objectif de produire un dommage, c’est pourquoi l’infraction est réputée commise en l’absence de production de tout résultat dommageable.

La tentative du délit prévu au premier alinéa est punie des mêmes peines. En effet, au sens de la loi pénale, celui qui commet une tentative est également considéré comme l’auteur d’une infraction ! (« Est auteur de l’infraction la personne qui commet les faits incriminés, tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit. » article 121-4 du Code pénal)

Le tribunal peut également prononcer la confiscation de l’objet qui a servi ou était destiné à commettre l’infraction. A titre d’exemple, peuvent être cités les armes à feux, armes blanche, fumigènes (éclairantes ou non), pétards, ou encore feux de Bengale.

Le champ de cette incrimination est donc assez large.

Jet de projectiles : 3 ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende

L’infraction, encadrée par l’article L. 332-9 du Code du sport, condamne tout jet de projectile présentant un danger pour la sécurité des personnes dans un stade.

Il appartiendra ici au juge de vérifier selon le cas d’espèce, si le jet présentait un danger ou non pour la sécurité des spectateurs au moment des faits. Pour forger sa conviction, il pourra prendre en considération différentes variables telles que le type de projectile, la vitesse à laquelle il est lancé, ou encore la trajectoire de ce dernier.

La peine encourue est identique à celle prévue pour l’introduction d’engins pyrotechniques et d’armes au sein d’une enceinte sportive, qui pour rappel, est fixée à 3 ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.

Trouble et atteinte à la sécurité des personnes et des biens : 1 an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende

Ce comportement est incriminé par l’article L.332-10 du Code du sport

Toute personne pénétrant sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive et qui aura troublé le déroulement de la compétition ou porté atteinte à la sécurité des personnes et des biens s’y trouvant sera punie d’une amende d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

L’intervention du droit pénal pour réprimer un tel comportement pourrait à première vue paraître surprenante voire sévère. Pourtant, cette incrimination est indispensable pour éviter que la situation ne dégénère et ne devienne incontrôlable. Elle se justifie particulièrement à l’occasion des derbies, souvent marqués par une ambiance survoltée et difficilement maitrisable. L’un des derniers exemples en date remonte à la rencontre opposant l’ASSE à l’Olympique Lyonnais du 5 novembre… 2017, marquée par un envahissement de terrain et 14 blessés légers dont deux policiers. D’importantes dégradations sur les clôtures ou dans les toilettes des espaces visiteurs avaient également été constatées.

Provocation à la haine ou à la violence : 1 an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende

L’article L. 332-6 du Code du sport ne peut être plus explicite : toute personne qui, au cours d’une manifestation sportive ou de la retransmission en public d’une telle manifestation dans un stade, aura provoqué des spectateurs à la haine ou à la violence à l’égard de l’arbitre, d’un juge sportif, d’un joueur ou de toute autre personne ou groupe de personnes, sera punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Il importe donc peu que la provocation ait été suivie d’effets, c’est-à-dire un commencement d’exécution.

La provocation est un comportement immoral, et dont l’acte peut être commis par n’importe quel particulier, avec n’importe quel moyen et dirigé contre n’importe quelle personne. Tout individu se trouvant dans l’enceinte d’un stade peut donc être victime de cette infraction, contrairement à l’infraction réprimée par l’article L332-7 du Code du sport (idéologie raciste et xénophobe), qui ne vise que certaines personnes.

Idéologie raciste et xénophobe : 1 an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende

Aux termes de l’article L332-7 du Code du sport, l’introduction, le port ou l’exhibition dans un stade d’insignes, signes ou symboles rappelant une idéologie raciste ou xénophobe est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Cette infraction a notamment pour objet de prévenir les violences susceptibles de survenir à l’occasion de ces comportements.

Introduction d’alcool et état d’ivresse dans une enceinte sportive : 1 an d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende

Dans la logique de la Loi Evin et du Code de la Santé Publique, le Code du sport prohibe l’introduction de boissons alcooliques dans un stade par force ou par fraude, et l’état d’ivresse. Un tel comportement est puni d’un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende (articles L332-3 et L332-4 du Code du sport).

L’introduction d’alcool dans un stade n’est donc pas toujours condamnable au sens du Code du sport. En effet, l’infraction incriminée par l’article L332-3 suppose le recours à la force (à l’égard d’un bien ou d’une personne) ou la fraude (accès illicite à l’enceinte sportive). Si aucune de ces circonstances n’est caractérisée, alors l’agent ne pourra être que relaxé du chef de cette qualification. Un commerçant bénéficiant d’une autorisation municipale qui introduit et vend des boissons alcoolisées dans un stade ne peut donc par exemple, pas être poursuivi au titre de cet article.

Revente illicite de billets : 15 000 euros d’amende

Cette infraction est directement incriminée par le Code pénal.

En effet, l’article 313-6-2 de ce Code incrimine le fait de vendre, d’offrir à la vente ou d’exposer en vue de la vente ou de la cession ou de fournir les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d’accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant, de manière habituelle et sans l’autorisation du producteur, de l’organisateur ou du propriétaire des droits d’exploitation de cette manifestation ou de ce spectacle.

Cette infraction est punie de 15 000 € d’amende, et 30 000 € en cas de récidive.

Outrage public aux symboles nationaux : 7500 euros d’amende

Ce comportement est incriminé par l’article 433-5-1 du Code du sport.

Selon ce dernier, est puni de 7500 € d’amende le fait d’outrager publiquement l’hymne national ou le drapeau tricolore au cours d’une manifestation sportive organisée ou réglementée par les autorités publiques (exemple du sifflement de l’hymne national).

Si cette infraction est commise en réunion, une peine de prison de 6 mois s’ajoutera aux 7500 € d’amende.

Des infractions nombreuses, variées et… cohérentes ?

Cette liste n’est pas exhaustive puisqu’une douzaine d’infractions spécifiques peut aujourd’hui être recensée dans le Code du sport (violation d’une mesure préfectorale d’interdiction ou d’injonction, participation au maintien ou à la reconstitution d’une association dissoute, violation d’une mesure judiciaire d’interdiction ou d’astreinte etc.). Ces dernières ont toutes en commun de garantir la sécurité et le bon déroulement de la compétition sportive.

Pour autant, la cohérence de ces textes peut laisser dubitatif. Par exemple, sans en connaitre la raison, certaines infractions répriment la tentative (Article L.332-3 du Code du sport), d’autres non (Article L.332-4 du Code du sport). Il peut également sembler paradoxal d’observer que la tentative soit envisagée différemment au sein d’un même article, comme le soulignent les alinéas 1 et 2 de l’article L.332-9 du Code du sport relatifs au jet de projectiles.

Il ne serait donc pas surprenant que le législateur intervienne de nouveau dans le souci d’harmoniser ces articles afin de former un arsenal juridique complet et cohérent, si indispensable pour garantir l’ordre public, rassurer l’opinion public et avant tout, maintenir le spectacle sur le terrain.

Par Kévin Pelé

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