Interview

Le PSG respecte-t-il les règles de l’UEFA et de l’Union Européenne dans sa stratégie d’investissements ?

Alors que les importants investissements réalisés dernièrement par le PSG sur le marché des transferts suscitent de nombreuses interrogations, notamment en matière de respect des règles édictées par l’UEFA dans le cadre du fair-play financier ; Me. Tatiana Vassine, avocate associée au sein du cabinet RMS Avocats, spécialisé en droit du sport, nous livre ses analyses concernant la situation du club parisien.

Comment le PSG parvient-il à recruter Neymar Jr et Kylian Mbappé tout en respectant les règles du fair-play financier (notamment la limite de 30 M€ de déficits sur 3 ans) ?

Pour respecter les règles du Fair Play Financier (FPF), le PSG doit parvenir à équilibrer ses comptes, à savoir ne pas dépenser plus que (en substance) les recettes qu’il génère du spectacle sportif. S’il n’engrange pas à ce jour de recettes suffisantes pour absorber ces recrutements (ce qui semble être le cas avec un bénéfice d’environ 10 millions d’euros), il lui appartient de générer de nouvelles recettes ou des recettes plus importantes (billetteries B2B et B2C, sponsoring, produits dérivés) mais aussi d’alléger ses dépenses (masse salariale notamment).

Pour cela, le PSG va bénéficier de plusieurs années. Ses comptes 2017-18 ne seront ainsi analysés qu’en 2018 par l’instance de contrôle de l’UEFA et les dettes correspondant à ces recrutements seront lissées sur la durée des contrats de joueurs conformément à la règle de l’amortissement (ndlr : l’UEFA a depuis annoncé l’ouverture d’une enquête concernant le PSG).

En d’autres termes, la dette correspondant au paiement de la clause libératoire de Neymar devrait ainsi être répartie sur les cinq années de son contrat. Quant à la venue de Kylian Mbappé, il s’agit pour l’heure d’une opération peu coûteuse puisque recruté dans le cadre d’un prêt dont l’option d’achat ne sera a priori levée que dans un an, avec donc un différé d’inscription dans les comptes bien utile.

Dans la presse, un montage atypique a été évoqué au moment de l’acquisition de Neymar Jr. Le joueur aurait lui-même payé le montant de sa clause libératoire. Et il serait remboursé par une entité indépendante du PSG. Un tel montage est-il crédible ? L’UEFA peut-elle accepter un tel montage permettant d’échapper aux règles du fair-play financier ?

Afin d’éviter d’être contraint par les règles du FPF, le plus simple eut été que le PSG n’y soit pas soumis, et donc, soit qu’il n’évolue pas dans le championnat européen (à proscrire bien évidemment), soit… qu’il ne débourse rien.

Mais, pour cela, encore eut il fallu que, hypothèse n°1, Neymar accepte de payer lui-même sa clause libératoire, ce qui était illusoire ; hypothèse n°2, cette somme soit payée à Neymar indirectement par le PSG via une entité tierce à charge pour Neymar de la reverser au Barça afin de lever sa clause libératoire. Mais un tel montage, risqué et dont les chances d’échapper au FPF sont faibles, constitue en réalité une « fausse bonne idée ».

En effet, parce qu’il y aurait eu de grandes chances pour que cette entité soit démasquée et jugée comme « associée » au PSG avec pour conséquence, outre la réintégration des sommes versées par celle-ci dans les comptes du PSG, le prononcé de sanctions (comme cela avait été fait pour partie en 2014) ; mais aussi parce que d’un point de vue contractuel, rien n’aurait garanti le PSG de la venue effective du joueur si cette somme avait été payée par une entité tierce pour des motifs – en apparence – déconnectés de la levée de sa clause libératoire (comme par exemple une activité de promotion de la coupe du monde du Qatar). Quid si le joueur avait finalement décidé de rester à Barcelone ?

tatiana vassine situation psg

Pour Tatiana Vassine, il est peu probable que Neymar ait lui-même payé le montant de sa clause libératoire auprès du FC Barcelone

C’est certainement pour ces raisons qu’un tel montage, s’il a pu être envisagé, n’a vraisemblablement pas été privilégié par le PSG. Le Président du PSG a d’ailleurs dernièrement déclaré que le club avait bien payé la clause.

Si le PSG venait à enfreindre à nouveau les règles du fair-play financier, l’UEFA aurait-elle le courage de sanctionner plus lourdement le club parisien ?

S’il s’avérait que les règles du FPF avaient été violées (ce qui n’est pas démontré à ce jour), le gendarme financier n’aurait pas d’autre possibilité que de sanctionner le PSG, et cela d’autant plus fermement qu’il serait alors en état de récidive.

Traditionnellement, en effet, les sanctions sont plus lourdes lorsque les manquements sont réitérés. L’UEFA aurait donc toute latitude pour sanctionner plus lourdement le PSG. D’autant que, derrière cette sanction, se joue également la question de la légitimité de tout un système déjà fermement attaqué.

Certains dirigeants de grands clubs évoquent en coulisse la possibilité de saisir les juridictions européennes en raison de la violation de certaines directives en matière de droit de la concurrence. De telles actions peuvent-elles aboutir sur des sanctions ?

Pour qu’il y ait sanction, encore faut-il démontrer que des règles précises n’aient pas été respectées. A ce stade, seul le terme – assez vague – de concurrence déloyale a été évoqué (tenant notamment au fait que le PSG serait un « Etat Club », qu’il bénéficierait des fonds du Qatar…).

Ces accusations m’apparaissent trop peu étayées pour nous permettre de nous livrer à une analyse précise de leur éventuel bien fondé. Car même à considérer que le PSG bénéficierait d’aides d’Etat illégales, ce qui n’est pas démontré, il s’agirait d’aides accordées par un Etat tiers à celui dans lequel évolue son bénéficiaire et provenant d’un Etat extérieur au marché de l’Union Européenne, constituant, somme toute, un cas non seulement relativement complexe mais également assez inédit.  D’autant plus que par le passé, de nombreux clubs (notamment espagnols) ont bénéficié d’un soutien incommensurable de l’Etat dans leur développement (que ce soit par des aides directes, des autorisations de débit, des déficits comblés…), leur ayant permis d’atteindre les hautes sphères du football européen (ce qui n’a pas été le cas de la France fermement encadrée par les règles de la DNCG).

La concurrence existe, et elle est acerbe, mais il est important de rappeler qu’elle s’exerce a ce jour dans le cadre strict des règles du FPF – qui ont été édictées en concertation avec les instances européennes – et qui sont les mêmes pour l’ensemble des acteurs et respectées par ceux-ci.

Il pourrait néanmoins être envisagé une refonte du système pour l’avenir afin de protéger non pas tant la concurrence (qui – en dehors de la problématique spécifique liée à l’intervention des États, voire à l’édiction de réglementations plus ou moins avantageuses – peut à tout moment être bouleversée par l’arrivée d’un nouvel investisseur sur le marché), mais plutôt l’aléa sportif (notion éminemment spécifique au droit du sport), à supposer qu’il puisse être démontré qu’il soit atteint. Avec la question sous jacente de savoir jusqu’où les instances sportives peuvent restreindre la liberté de la concurrence pour éviter que certains investisseurs – publics ou privés – ne disposent d’une position dominante sur un marché libéralisé…

Sources photos : Wikipedia.org – CC BY-SA 4.0 / Tatiana Vassine

To Top
Send this to a friend