Interview

« Le budget de l’AC Ajaccio sera compris entre 14 et 15 M€ d’ici trois ans »

Club en pleine transformation, l’AC Ajaccio met progressivement en place une stratégie de diversification de ses revenus via une meilleure exploitation de son stade et de son parc foncier. A cette occasion, Ecofoot.fr s’est entretenu avec le Président du club, Léon Luciani, afin de faire un point sur l’avancée des différents projets et sur les ambitions actuelles et futures du club insulaire.

L’AC Ajaccio a dernièrement organisé la première édition du festival de musique électronique Mi ! au cœur de son enceinte. Comment avez-vous eu l’idée d’organiser un tel événement ?

Le football professionnel français évolue actuellement vers la pleine possession/exploitation des stades afin de pouvoir diversifier ses sources de revenus. L’optimisation de l’exploitation des stades constitue aujourd’hui l’un des vecteurs principaux du développement des clubs de football.

A l’AC Ajaccio, nous avons entrepris depuis plusieurs mois une réflexion sur une meilleure exploitation de notre enceinte. D’autant que nous sommes propriétaires du stade François Coty. Nous souhaitons ainsi augmenter l’utilisation de notre stade – en organisant notamment des événements extra-sportifs – tout en favorisant le développement économique de notre ville d’Ajaccio, essentiellement centré sur le tourisme. Car les clubs de football sont désormais des acteurs économiques qui créent de la richesse et de l’animation pour leur commune.

Au-delà de notre réflexion approfondie autour d’une meilleure utilisation de notre stade, l’organisation de ce festival de musique électronique est partie d’une boutade lancée par un ami. Il m’avait alors confié un soir qu’il pouvait faire venir David Guetta à Ajaccio. Nous avons par la suite exploré cette piste, jusqu’à l’organisation de la première édition du festival de musique électro Mi !

Cette première édition du festival de musique électronique a-t-elle répondu à toutes vos attentes ?

Sur le plan de l’organisation, nous avons parfaitement atteint nos objectifs. Nous avons réussi à organiser un festival de musique électronique d’envergure. La ville d’Ajaccio accueillait pour la première fois un tel événement. Nous avons alors démontré que nous possédons au club un véritable savoir-faire dans le domaine de l’événementiel. Le public a été conquis par l’organisation et la qualité des artistes conviés à l’événement.

En revanche, sur le plan financier, nous n’avons pas atteint tous nos objectifs. Sur l’ensemble des deux soirs de l’événement, nous avons accueilli 8 000 spectateurs. Lors de l’élaboration de nos prévisions, nous avions plutôt misé sur une affluence comprise entre 12 000 et 13 000 spectateurs.

Après, il ne faut pas oublier que c’était la première édition du festival. En général, il faut deux à trois éditions pour bien installer un tel événement. De plus, nous avons eu seulement six mois pour bien le préparer. C’est court ! Malgré l’affluence moins importante que prévu, nous devrions parvenir à équilibrer nos comptes concernant l’organisation de cet événement.

L’AC Ajaccio organisera-t-il une deuxième édition du festival Mi ! en 2018 ?

Je peux vous confirmer que nous allons travailler pour mettre en œuvre une deuxième édition. Nous aurons plus de temps devant nous pour la préparer. Nous allons pouvoir optimiser la communication autour de l’événement. Nous espérons également attirer davantage de partenaires.

Avez-vous déjà prévu d’autres événements permettant d’accroître l’exploitation de votre stade ?

Nous réfléchissons en effet à l’organisation d’autres manifestations. Des manifestions qui n’auront pas forcément l’ampleur du festival de musique électro, qui demande d’importants moyens financiers et humains pour le mettre en place.

Après, l’optimisation du stade ne passe pas exclusivement par l’organisation de grands événements extra-sportifs. Nous souhaitons à terme transformer notre stade et ses environs en véritable lieu de vie, attirant du monde au quotidien.

Par exemple, nous allons travailler sur la mise en place de séminaires à travers nos loges et infrastructures. Une activité qui a déjà été mise en place dans d’autres clubs. On n’invente pas non plus le fil à couper le beurre ! Nous cherchons à mettre en place une stratégie globale permettant de générer des revenus additionnels.

Cette stratégie de diversification des revenus à travers une meilleure utilisation de votre stade nécessitera-t-elle une réorganisation des services du club ?

La création d’un service dédié à l’exploitation du stade ne sera pas immédiate. Dans un premier temps, nous comptons nous reposer sur notre organisation classique. Tous les services impliqués dans ce plan de développement (stadium manager, service communication…) travaillent en étroite collaboration.

Mais, effectivement, à terme, nous prévoyons la mise en place d’une structure dédiée à la diversification de nos activités. Mais cela interviendra dans le cadre de la restructuration complète du club que nous comptons mener à moyen terme.

L’AC Ajaccio a également pour projet de déménager son centre afin d’exploiter le potentiel touristique de ses terrains d’entraînement. Où en est actuellement ce projet ?

Nous sommes propriétaires de 5 hectares autour du stade François Coty. Ces 5 hectares sont classés au PLU (ndlr : Plan Local d’Urbanisme). Ils sont en zone constructible avec des orientations bien précises définies dans le cadre du PLU. Les bâtiments construits sur ces terrains doivent donc répondre à des objectifs touristiques, commerciaux, de loisirs ou sportifs.

Ces terrains sont situés à 5 minutes de l’aéroport international d’Ajaccio, à 5 minutes des plages et à 15 minutes du centre-ville. La zone est donc stratégique et possède un beau potentiel de développement.

Aujourd’hui, nous cherchons des investisseurs pour y mener un projet touristique et commercial. A cet effet, nous travaillons avec deux cabinets qui nous accompagnent dans notre projet : GLM et le CDES (Centre de Droit et d’Economie du Sport de Limoges).

Autour de la table, nous avons bien évidemment convié également les acteurs institutionnels. Nous échangeons régulièrement avec les représentants des différentes collectivités et les services de l’Etat. Le service de développement des entreprises du Ministère de l’Economie est notamment associé à notre réflexion sur ce plan de développement.

Notre idée première est de créer une zone d’activités, à la manière de ce qui a été fait par l’Olympique Lyonnais autour de son nouveau stade. Cela nous permettrait d’engranger des ressources nouvelles. Un plan qui est en phase avec notre volonté de développer les activités de notre stade.

A quelle échéance comptez-vous concrétiser la mise en place de cette nouvelle zone d’activités autour de votre stade ?

Nous espérons boucler les principaux projets d’ici trois ans. Dans un premier temps, nous nous assurons de bien finaliser le projet tout en prenant le temps de trouver les bons partenaires. Cette phase devrait durer environ un an. Nous devrons également prendre en compte le délai lié à l’obtention de toutes les autorisations. Disons entre 6 et 8 mois. Enfin, il faudra compter entre 14 et 16 mois pour la phase de travaux.

La concrétisation d’un tel projet va conduire au déménagement des centres d’entraînement et de formation du club. Justement, quelles sont les ambitions de l’AC Ajaccio en termes de formation lors des saisons à venir ?

En effet, le développement d’un tel projet conduira au déménagement de nos centres d’entraînement et de formation. Nous avons prévu d’installer nos nouvelles infrastructures sur un terrain de 11 hectares basé à Pietrosella, commune située sur le littoral, à 25 kilomètres d’Ajaccio. Nous avons conclu un bail emphytéotique avec la municipalité concernant le terrain.

Avec notre futur centre de formation, nous avons pour ambition d’intégrer la catégorie 1. Aujourd’hui, notre centre se situe en catégorie 2. Outre cette évolution, nous comptons mettre en place une politique d’ouverture sur l’ensemble de la Méditerranée, en accueillant de jeunes joueurs provenant des deux rives. Nous souhaitons nous servir de la situation géographique stratégique de la Corse, au cœur de la Méditerranée, pour mener à bien ce projet.

Notre philosophie en termes de formation sera basée sur le développement solidaire. Une philosophie que nous exposerons aux clubs algériens, tunisiens, croates, espagnols… avec lesquels nous serons amenés à conclure des partenariats.

Ce développement solidaire passe par l’éducation des hommes. On ne peut pas former 40,50 voire 80 jeunes footballeurs par promotion – dont seulement un ou deux joueurs bénéficieront d’une carrière au plus haut niveau – sans fournir un accompagnement. Cet accompagnement passe par une formation éducative et professionnelle. En plus de la formation sportive, nous voulons former les « Citoyens » de demain.

La mise en place d’un centre de formation tourné vers l’ensemble de la Méditerranée remet-elle en cause la stratégie de « Corsification » de l’AC Ajaccio ?

Non, pas du tout. Les deux stratégies ne sont pas antinomiques. Aujourd’hui, en évoluant en Corse, nous supportons des handicaps pouvant freiner notre développement : faible nombre d’habitants (environ 350 000), une économie essentiellement composée de PME et TPE, des transports peu développés…

Mais, à l’AC Ajaccio, nous voulons transformer ces handicaps en atouts. En Corse, nous possédons un patrimoine, une histoire, une identité forte. Une identité forte qui n’est pas fermée. Au contraire, nous l’enrichissons grâce aux contributions venant de l’extérieur.

A notre niveau, nous souhaitons nous inspirer du modèle corse. Bien entendu, notre volonté est toujours de former de jeunes Corses afin de les amener au plus haut niveau. Mais ce n’est pas en étant fermé aux autres qu’on fera progresser nos jeunes talents.

Nous souhaitons mettre en place un projet de formation similaire à celui des clubs professionnels basques. Nous travaillons beaucoup sur la notion d’identité, d’appartenance à un territoire. Mais une identité qui s’enrichit des apports extérieurs. De plus, nous voulons partager notre histoire, notre patrimoine à d’autres populations via notamment les programmes éducatifs que nous mettrons en œuvre dans notre futur centre de formation.

Quels sont les revenus additionnels espérés par l’AC Ajaccio via la mise en place des différents projets de diversification de recettes ?

Aujourd’hui, notre budget est d’environ 10 M€. Nous espérons atteindre la barre des 11,5 M€ via la croissance de nos recettes classiques. Après, de façon mesurée, les différents projets de développement doivent permettre à l’AC Ajaccio de bénéficier de rentrées financières supplémentaires comprises entre 2 et 2,5 M€ par saison.

Le budget de l’AC Ajaccio sera donc compris entre 14 et 15 M€ d’ici trois ans. De façon mécanique, cela nous permettra de renforcer nos ambitions au sein du championnat de Ligue 2.

L’AC Ajaccio a-t-il pour ambition de retrouver l’élite à court ou moyen terme ?

Oui, évidemment, nous avons cet objectif en tête. Et, comme tous les clubs, nous souhaitons retrouver la Ligue 1 le plus tôt possible. Mais il faut s’en donner les moyens.

Après, le championnat de Ligue 2 est relevé. Nous allons affronter cette année de grosses écuries à l’image du RC Lens, de l’AS Nancy, du FC Lorient, du Stade Brestois, de l’AJ Auxerre… Nous serons alors forcément en position d’outsider.

Mais la concrétisation des différentes phases de notre projet de développement nous permettra de renforcer notre position au sein de ce championnat lors des prochaines saisons. Nous allons monter en puissance en termes de compétitivité.

Quels sont les objectifs sportifs de l’AC Ajaccio pour cette saison 2017-18 ?

Lors de la construction de notre budget, nous avons pris comme hypothèse un classement final compris entre la 8ème et la 11ème place. L’an dernier, nous avons terminé la saison au 11ème rang. L’idée est donc de faire mieux. Nous chercherons notamment à améliorer nos résultats obtenus à l’extérieur.

AC Ajaccio objectifs sportifs

L’AC Ajaccio va viser une place en première partie de tableau en cette saison 2017-18

Après, au-delà des résultats sportifs, nous avons également des ambitions en termes de qualité de jeu. Nous voulons donner du plaisir à nos spectateurs qui se rendent régulièrement à François Coty. Une belle qualité de jeu permettra de les fidéliser dans la durée.

Si nous parvenons à remplir tous nos objectifs, nous ne sommes pas à l’abri d’une très bonne surprise. D’autant que le format de la compétition a évolué dernièrement, avec la mise en place des play-offs en cette saison 2017-18. Désormais, le 5ème de L2 a une vraie chance d’accéder à l’élite. Ce nouveau format multiplie la probabilité des surprises. Tout est possible.

Source photo à la Une : AC Ajaccio

Articles populaires

To Top
Send this to a friend