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« En Europe, le contrat de naming moyen est de l’ordre de 4 millions d’euros/an »

marché naming europe
Vlad1988 / Shutterstock.com

Pratique fortement développée aux Etats-Unis ou encore en Allemagne, le marché du naming tarde à décoller en France. Peu d’acteurs hexagonaux sont parvenus à signer des accords commerciaux à la hauteur de leurs exigences financières malgré la modernisation du parc de stades pour l’organisation de l’EURO 2016. Pour faire le point sur l’état du marché du naming, Ecofoot.fr s’est entretenu avec Nicolas Bailly et Alexandre Walraevens, respectivement Directeur Marketing & Business Intelligence et Responsable Business Intelligence chez Lagardère Sports.

Pourquoi les concessionnaires des stades français rencontrent-ils des difficultés pour signer des accords de naming à la hauteur de leurs ambitions financières ? Et pourquoi cette pratique commerciale fonctionne mieux chez nos voisins allemands ?

Le contrat de naming peut constituer effectivement un moyen de financer les enceintes, via une rente annuelle sur une période souvent longue. Ses caractéristiques sont donc attrayantes pour le propriétaire des droits qui peut être le concessionnaire ou le tandem concessionnaire/exploitant avec l’exemple de l’AccorHotels Arena de Paris.

Sur le marché français, il vaut mieux parler du contrat de naming comme d’un outil marketing puissant, générateur de revenus annexes, plutôt que d’un outil de financement des enceintes. A ce jour l’investissement moyen d’un contrat de naming en France est de 850K euros/an sur 8 ans pour une Arena. Mais la Sud de France Arena à Montpellier, avec un contrat de 15 ans, fait indéniablement grimper la durée moyenne. Elle est en réalité plus près de 5 ans.

Plusieurs raisons expliquent l’absence de décollage du marché du naming en France. Au même titre que la culture du sponsoring reste moins développée chez nous que dans d’autres pays européens – Allemagne et Royaume-Uni notamment – il existe une sorte de « frilosité » des entreprises en France pour appréhender l’ensemble des avantages d’un tel contrat.

Un contrat de naming ne s’appréhende pas uniquement au regard du nom que vous apposez sur la devanture de l’enceinte et du calcul des retombées médias. Il offre un spectre beaucoup plus large de supports, d’avantages et d’exposition de la marque. Il est de la responsabilité du détenteur de droits que de proposer un éventail complet, le plus large possible, en rapport également avec les entreprises ciblées. Plus les avantages et contreparties sont importants, plus le contrat pourra être valorisé.

La difficulté du marché tient aussi au mode de financement et d’exploitation de ces enceintes françaises. En effet, avec notamment des montages en PPP qui font cohabiter exploitant, clubs résidents et collectivités publiques dans des schémas de répartition des droits compliqués, il est difficile d’aligner les intérêts des différentes parties pour proposer des offres de naming globales qui permettent de valoriser au mieux cet outil marketing.

D’autre part la France est un pays centralisé sur l’Ile de France. Les grandes entreprises, comme celles du CAC 40, sont donc concentrées sur la région parisienne. Ces entreprises sont pourtant les plus à même de « namer » des enceintes. Mais il est difficile pour ces entreprises de donner un sens à de tels accords quand leur siège social se situe loin de la zone de chalandise de l’enceinte.

Les partenariats Sud de France Arena à Montpellier, AccorHotels à Paris, MMArena au Mans… relèvent d’une logique territoriale. En Allemagne les contrats de naming sont souvent signés avec des grandes entreprises localisées dans les länder (régions) et qui souhaitent asseoir leur notoriété nationale en s’appuyant sur un asset local pour rappeler leur attachement à la communauté, avec par exemple Allianz à Munich. On retouche du doigt le déficit culturel français en matière de sponsoring. Enfin, il faut également avoir une capacité financière majeure pour s’engager dans le sponsoring d’un asset sportif et/ou culturel sur 10 ans ou plus.

Contrairement aux idées reçues, les Français sont plutôt favorables au naming. Une étude récente de la FDJ a d’ailleurs relevé que près de 80% des Français étaient favorables à ce type de procédé. La réticence vient plus des médias et des journalistes, peu enclins à reprendre les dénominations. Le groupe l’Equipe a une posture purement business, arguant que ces marques ne paient pas pour être dans le journal.

Il y a eu des évolutions récentes tout de même avec notamment la Jeep Elite de basket qui, au prix de plusieurs campagnes publicitaires dans le journal, voit dorénavant le championnat de France de basket s’appeler « Jeep Elite » conformément au contrat qui lie l’entreprise à la LNB. Il en va de même avec la Ligue 1 Conforama. Les choses vont dans le bon sens. Mais de telles réticences n’existent pas en Allemagne, dans un marché où le naming existe depuis 30 ans, et où les problématiques sont plutôt liées au renaming.

Enfin certaines sociétés refusent d’être associées à un club ou à une enceinte qui pourrait être clivante. Orange a longtemps eu le dossier du Stade Vélodrome en main, sans toutefois y apporter une issue favorable, jugeant « le naming trop segmentant » en 2015 comme le relevait le JDD. Il n’existe pourtant aucune étude tangible à grande échelle qui démontrerait l’aversion d’un fan pour un sponsor d’une équipe rivale, au point de boycotter ses produits. Orange s’est par la suite engagé avec le Stade Vélodrome et par ricochet l’Olympique de Marseille, preuve s’il en est, qu’ils ont changé d’avis sur le sujet.

La plupart des accords de naming signés en Ligue 1 ont été conclus avec des acteurs du secteur des assurances. Comment expliquez-vous cette tendance ? 

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