Stades

Nouvelle ère des stades français : entre améliorations, erreurs et opportunités

ligue 1 taux de remplissage
muewanchisa / Shutterstock.com

L’organisation de l’Euro 2016 de football en France a entraîné une refonte importante du paysage des stades français. Entre enceintes construites, enceintes rénovées, et projets de nouveaux stades dans les années à venir, un point mérite d’être fait quant aux améliorations constatées, aux erreurs commises … et à ne pas refaire ! Par Antoine Blouin.

Une Ligue 1 traditionnellement dernière du « Big 5 » européen

Pour comprendre la problématique du remplissage des stades, il est nécessaire de comparer les affluences des stades français avec leurs homologues européens sur les dernières années. Car si la Ligue 1 veut concurrencer, aussi bien économiquement que sportivement, les 4 autres grands championnats que sont la Premier League, la Liga Santander, la Bundesliga et la Serie A, elle doit rattraper son déficit d’affluence par rapport à ces compétitions.

Niveau de jeu, intérêt du championnat, présence ou non de clubs prestigieux, promotion des événements, ou encore intérêt culturel de la population pour le football, sont autant de critères sur lesquels s’appuyer pour faire la comparaison entre ces 5 championnats, et ainsi tenter de comprendre pourquoi le championnat français accuse du retard.

A titre d’exemple, on peut entre autres dire que le football est moins ancré dans la culture française que chez nos voisins anglais ou allemand (où le remplissage des stades n’est pas un problème). Les clubs français peuvent également souffrir d’un manque de prestige face aux meilleurs clubs de Serie A, qui ont remporté de nombreux titres européens.

Mais un des facteurs à ne pas oublier, et qui compte désormais au moins tout autant que les paramètres précédemment cités, est le stade en lui-même. Sa capacité, son histoire, sa fonctionnalité (accessibilité, modernité des installations), sont autant de paramètres qui influent sur la capacité d’un club à attirer ses supporters aux matchs.

L’Euro 2016 était ainsi une occasion de faire des stades des infrastructures capables de compenser le retard du championnat français. Le défi a-t-il été relevé ?

Une vague de nouveaux stades : plus grands, plus modernes … mais pas toujours plus remplis

Les projets ayant le plus attiré l’attention sont évidemment les nouveaux stades, construits en vue de l’Euro 2016.  Le Groupama Stadium (OL), l’Allianz Riviera (OGC Nice), le Matmut Atlantique (Girondins de Bordeaux), ou encore le Stade Pierre Mauroy (LOSC), sont autant de stades qui sont sortis de terre, non pas seulement dans le but de répondre aux normes de l’UEFA pour la compétition, mais bel et bien pour redonner un nouvel élan d’attractivité aux clubs résidents.

Une erreur semble cependant avoir été commise : tous ces stades accusent une capacité bien supérieure à la demande. Et il suffit de comparer l’affluence moyenne de ces stades avec leur capacité pour le comprendre : la saison dernière, les affluences de ces stades étaient respectivement de 46 000 personnes pour le Groupama Stadium (pour une capacité de 59 000), 22 000 personnes à l’Allianz Riviera (pour une capacité de 36 000), 26 000 personnes au Matmut Atlantique (pour une capacité de 42 000), et 33 000 personnes au stade Pierre Mauroy (pour une capacité de 50 000). Ces 4 nouveaux stades accusent donc entre 13 000 et 17 000 sièges vides à chaque match en moyenne !

Les stades rénovés sont malheureusement allés dans le même sens : les 6000 places ajoutées à Geoffroy-Guichard lors de sa modernisation n’ont pas vraiment aidé l’AS Saint-Etienne à remplir son enceinte, puisqu’environ 14 000 places sont restées vides la saison dernière. Idem pour le Vélodrome qui n’a plus dépassé les 46 000 spectateurs en moyenne depuis 3 ans, malgré une enceinte pouvant désormais accueillir jusqu’à 67 000 personnes.

« L’effet Euro 2016 » n’a pas eu l’impact escompté sur les affluences de Ligue 1

Outre la construction d’enceintes flambant neuves, l’Euro en lui-même était une occasion de susciter un engouement pour le football chez le public français : non pas seulement pour la compétition, mais pour la saison en Ligue 1 à venir. Le parcours plus qu’honorable des Bleus, qui sont allés jusqu’en finale, aurait pu créer une « vague » de popularité, sur laquelle les clubs auraient pu s’appuyer.

Malheureusement, les résultats ont été plus faibles que prévu. Les initiatives marketing cherchant à conquérir de nouveaux publics (public féminin, touristes de passage dans la ville, spectateurs occasionnels…) ont tardé à se mettre en place. Un manque d’anticipation qui n’a alors pas permis à la Ligue 1 de rattraper immédiatement son retard sur les autres grands championnats européens.

Ne pas généraliser : certains clubs n’ont pas fait d’erreur, d’autres les corrigent déjà

Le bilan dressé jusqu’ici paraît globalement négatif pour les clubs de Ligue 1. Il ne doit cependant pas faire oublier les réussites de certains en matière de remplissage de stade, et les éléments encourageants dont nous disposons pour l’avenir. Car si le retard n’est pas complétement rattrapé, l’écart semble se réduire.

Si certains stades ont probablement été surdimensionnés, certains clubs ont cependant opté pour une stratégie plus prudente… et en récoltent les fruits aujourd’hui. C’est notamment le cas du Paris Saint-Germain qui, en vue de l’Euro 2016, n’a pas procédé à l’augmentation de places dont il était question, et a préféré se focaliser sur l’amélioration des espaces VIP (pouvant désormais accueillir 5 000 personnes), et sur le confort en général dans le stade. L’effet créé est donc le suivant : un stade moderne, dans une ville mondialement reconnue, où le spectacle est garanti à chaque match du fait de ses superstars présentes sur le terrain. Avec seulement 49 000 places à pourvoir, le club crée ainsi un sentiment de rareté des places, lui permettant d’augmenter significativement le prix des billets et des abonnements, sans réduire son taux de remplissage : l’année dernière encore, le PSG affichait une moyenne de 46 900 spectateurs au Parc (soit un taux de remplissage de l’ordre de 94%). Le PSG a dégagé près de 100 millions d’euros de revenus via sa billetterie (B2C et B2B compris) la saison dernière.

Par ailleurs, certains clubs cherchent aujourd’hui à corriger le tir pour profiter pleinement des atouts de leur stade modernisé. L’OM est, par exemple, en passe de boucler un accord avec AREMA pour récupérer l’exploitation commerciale de l’Orange Vélodrome. Ce qui permettra au club phocéen de piloter la gestion du Vélodrome à sa guise et de bénéficier de revenus de billetterie plus conséquents.

Enfin, plusieurs clubs commencent à activer le levier du pricing … et ont déjà récolté les fruits de cette politique. Si le prix des places pour un match de Ligue 1 paraît honnête et en adéquation avec le spectacle proposé, sous-évaluer ponctuellement le prix des places peut être un levier intéressant pour attirer plusieurs milliers de personnes en plus. Lors du match retour contre la Gantoise en Europa League, les Girondins ont pu remplir la quasi-totalité de leur stade en proposant des places à 5€.

Si beaucoup de clubs de Ligue 1 ont encore du mal à se tourner vers une politique de baisse des prix par peur de dévaluer la valeur de leurs places, il faut garder en tête l’exemple d’un club comme le Borussia Dortmund. Le club de la Ruhr affiche le 1er taux de remplissage d’Europe grâce à une politique tarifaire attractive, assurant un beau spectacle en tribune.

Des perspectives d’avenir encourageantes pour la Ligue 1

Malgré une affluence inférieure aux autres championnats, la moyenne de spectateurs en Ligue 1 est en hausse constante depuis plusieurs saisons. Les 20 clubs du championnat ont accueilli 7,939 millions de spectateurs en 2015-16, 7,952 millions en 2016-17 et 8,544 millions de spectateurs en 2017-18.

Par ailleurs, si elle n’est certes pas significative, la création et la rénovation des stades ont bien provoqué une augmentation des revenus de billetterie chez les clubs qui les occupent. Cette augmentation devrait normalement se maintenir dans les années à venir, à condition que les clubs maintiennent le réel travail de marketing et commercial qu’ils ont entamé depuis quelques saisons.

Les opérations séduction doivent être répétées, avec autant d’effort et d’originalité que dans les championnats étrangers. A titre d’exemple, un abonné des Los Angeles Galaxy a reçu un appel de… Zlatan Ibrahimovic pour le remercier du renouvellement de son abonnement. Une opération qui a rencontré un très grand succès commercial et médiatique !

Les axes de progrès sur lesquels les clubs peuvent travailler

Les clubs ayant lancé des projets de nouveau stade (Montpellier HSC, Stade Brestois, Nîmes Olympique, FC Nantes) doivent prendre en compte le travail marketing et commercial nécessaire en amont pour pouvoir remplir rapidement leur nouvelle enceinte. La capacité des stades doit être en adéquation avec le potentiel d’affluence, la taille de la ville, l’affluence moyenne, le spectacle proposé… pour éviter de faire face aux problèmes de surcapacité.

La conception avec minutie d’une stratégie de pricing pertinente peut également rapporter gros. L’adoption d’un prix plancher relativement bas semble nécessaire pour conserver un public populaire dans les stades et rendre les matchs accessibles à toute une catégorie de la population.

Le travail de segmentation marketing n’est également pas à négliger. Les clubs ne doivent plus vendre leurs places comme un produit quelconque. Pour faciliter le travail commercial, les clubs ont besoin de mieux comprendre leurs fans. A ce titre, l’exemple de l’AZ Alkmaar est intéressant à étudier : le club néerlandais a segmenté sa base de données en fonction de l’engouement manifesté par ses spectateurs (fanatique, supporter, amateur de football, personne n’aimant que peu le football). Une segmentation qui permet au club de gagner en efficacité dans sa communication.

Enfin, les clubs ne doivent pas négliger ce point si crucial : un spectateur ne vient pas seulement au stade pour le spectacle offert sur la pelouse. L’ambiance dans les tribunes est tout aussi importante pour fidéliser les spectateurs. Sur ce point, la Ligue 1 doit mener un intense travail pour apaiser les tensions et éviter les sanctions prises à l’encontre des supporters (interdictions de déplacement, matchs à huit clos…)

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