Rétro

Devenir équipementier des Bleus, une bataille marketing dont les prémices remontent à 1958

équipe de france équipementier
André Cros - CC BY-SA 4.0

Alors que Nike débourse aujourd’hui une coquette somme pour être partenaire technique de la Fédération Française de Football, la sélection française a de tout temps suscité la convoitise des principaux acteurs du secteur. Et tous les subterfuges étaient bons pour profiter de l’aura suscitée par les Bleus. Rétro par Matthieu Delahais.

Au début des années 20, Allen devient l’équipementier de la Fédération Française de Football. Cette collaboration va durer plusieurs décennies. Mais le 23 octobre 1955, lors d’une rencontre à Moscou face à l’URSS, c’est Le Coq Sportif qui habille la sélection pour la première fois de son histoire.

Trois ans plus tard, il semblerait toutefois qu’Allen ait repris la main lors de la Coupe du monde suédoise. Et l’équipementier profite des belles prestations des Tricolores pour rappeler, ou faire connaître, son rôle auprès des joueurs d’Albert Batteux. On peut en effet lire l’encart publicitaire suivant dans le journal l’Equipe au lendemain de la qualification française pour les quarts de finale. « L’équipe de France qui participe brillamment à la Coupe du Monde est entièrement équipée par ALLEN seul fournisseur officiel de la FFF ».

Le Coq Sportif tient pourtant également à s’associer au succès des Bleus. Dans l’Equipe du 25 juin, il s’affirme comme la marque des Tricolores, expliquant avoir été présent lors de la Coupe du monde et précisant travailler dans la confection de maillots, bas, culottes et survêtements. Il s’agit là des prémices de ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’ambush marketing. Le Coq Sportif communique à travers cet encart publicitaire sur la Coupe du monde et les Tricolores, sans nommer explicitement l’équipe de France, pour que le public fasse le rapprochement entre cette marque et l’équipe qui a si brillamment défendu les couleurs nationales au cours de ce mois de juin. Plus de 50 ans après, Adidas réalisera un dernier baroud d’honneur avec une campagne de ce type en février 2011 lorsque Nike lui aura pris le maillot des Bleus.

Mais Allen et Le Coq Sportif ne furent pas les seuls à être sensibles au parcours des Français. Adidas et Puma, qui fabriquaient surtout des chaussures à cette époque, ont également apprécié les talents offensifs de l’équipe de France (meilleure attaque de la compétition avec 23 buts). Leurs représentants ont donc tenté d’approcher les joueurs à leur camp de base en leur offrant des chaussures. Cette pratique ne fut pas forcément du goût de tous, notamment de Raymond Kaelbel qui, pour montrer sa désapprobation, ira jusqu’à jouer un match avec une chaussure Adidas à un pied et une Puma à l’autre.

Le gardien François Remetter, qui connaissait les dirigeants d’Adidas et notamment son président Horst Dassler, se vit remettre une enveloppe contenant 2 000 deutschemarks pour convaincre ses coéquipiers de porter des chaussures de la marque aux trois bandes. Remetter remit l’enveloppe à son sélectionneur, mais cela n’empêcha pas les joueurs de continuer à porter les chaussures qu’ils souhaitaient.

Cette Coupe du monde a été la première occasion pour la France et Adidas de se rapprocher. Mais il faudra attendre encore 14 ans pour que la confection des maillots de la sélection soit confiée à la firme allemande.

Par Matthieu Delahais, Co-auteur du Dico des Bleus 

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