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La taxe de luxe, un premier pas vers une régulation totale du football

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Ce vendredi, le président de l’UEFA, le Slovène Aleksander Ceferin, a annoncé sa volonté de mettre en place une taxe de luxe sur les clubs européens de football. Cette mesure permettra, d’après lui, « de maintenir un équilibre concurrentiel entre les équipes », en prélevant un montant fixe sur certaines dépenses fastueuses et d’en redistribuer une partie.

Nous avions déjà soumis cette proposition en août dernier, face à l’explosion des dépenses dans le football et la montée dangereuse des inégalités. Nous ne pouvons que féliciter la décision de l’UEFA et appeler à agir concrètement et pragmatiquement pour le développement du football.

La taxe de luxe en est le premier acte. Connue outre-Atlantique, où la plupart des ligues de sport américaines ont adopté cette « luxury-tax », l’idée est d’éviter les écarts d’investissement trop importants entre les participants et de soutenir l’intensité compétitive. Le principe est gagnant-gagnant, la liberté d’entreprendre n’est pas altérée et n’importe quelle équipe peut, si elle le désire, dépenser pour investir.

Seulement, si la valeur de l’investissement est supérieure aux recettes nettes, l’équipe devra payer une taxe au prorata du montant dépensé. L’argent récolté viendra ensuite abonder un fonds de développement en faveur du football directement géré par l’UEFA, afin de soutenir les plus petites équipes, la redistribution, la formation, la reconversion, la réinsertion et la protection des footballeurs.

Inversement, la taxe pourra aussi agir comme un effet désincitatif à ne pas dépenser plus que raison et à maintenir des taux d’investissement comparables entre les différents participants.

Dans les deux cas, qu’il s’agisse d’un paiement de la taxe ou de son évitement, l’intensité compétitive et l’équilibre concurrentiel sont protégés. Pour la défense du football, de son spectacle et de sa stabilité économique.

Aux Etats-Unis, le championnat national de base-ball, la MLB, applique cette contribution depuis 1922, suite à une décision de la Cour Suprême, et présente l’une des intensités compétitives les plus élevées des sports professionnels. Par exemple, entre 1995 et 2017, le taux de diversité de champion est de 65% contre 47% pour la Ligue des Champions, compétition phare en Europe.

Les spécialistes parlent de « randomisation du champion ». Autrement dit, à travers les mesures de régulation, taxe de luxe comprise, tout le monde peut battre tout le monde et n’importe qui peut espérer être champion. Aleksander Ceferin veut tendre vers ce phénomène en admettant que « le rêve doit rester vivant ».

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Le football doit s’ouvrir et ne pas rester enfermé dans les mains des puissants. Il n’est pas normal que 95% des équipes soient connues d’avance dès les quarts de finale de Ligue des Champions et que les champions n’ont quasiment pas changé depuis une dizaine d’années.

En 2011, le fair-play financier avait permis d’assainir les comptes déficitaires des clubs européens. Aujourd’hui, les résultats sont excellents puisque la dette sportive a quasiment baissé de 80% et les bénéfices d’exploitation ont explosé. Il faut maintenant enclencher la deuxième étape, pour un football solidaire, équitable et compétitif.

Nous appelons à soutenir la démarche de l’UEFA et à réformer les outils juridiques, fiscaux et législatifs, à échelle nationale et européenne, afin de faciliter et d’accélérer un tel projet. Nous souhaitons qu’un véritable débat soit organisé afin de réfléchir au football de demain et aux moyens de sa régulation. Si la taxe de luxe passe, pourquoi ne pas imposer un plafond salarial, une harmonisation fiscale ou un retour à des quotas de formation ?

Le football va encore évoluer. Les prochains actes décideront si nous faisons le choix d’un sport libéralisé et totalement dérégulé ou d’un sport solidaire, juste et compétitif, un sport qu’on aime et qui nous fait rêver.

Le futur risque d’être très intéressant.

Tribune de Pierre Rondeau  et de Richard Bouigue

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