Edito

La Ligue 1 grimpe, les autres reculent

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Paolo Bona / Shutterstock.com

Dans ce nouvel édito, Pierre Rondeau, Economiste du Sport, s’interroge sur la nouvelle programmation de la Ligue 1 présentée par la LFP afin d’optimiser l’appel d’offres de droits TV pour la période 2020-24. Des modifications qui donneront encore plus de poids aux diffuseurs et qui ne prennent pas en compte les enjeux du football amateur.

L’annonce a été faite mercredi 25 avril, au siège de la ligue de football professionnel : à partir de 2020, l’organisation des matchs de ligue 1 va être bouleversée. Terminé l’ancestral multiplex du samedi soir au profit d’un événement raccourci à 4 matchs le dimanche à 15h, précédé d’une affiche fixée à 13h pour attirer le public asiatique. C’est la fin d’une époque et le début d’un nouveau cycle.

Sitôt l’organisation dévoilée, la LFP a poursuivi sur sa lancée et a indiqué, en grande pompe, le lancement des appels d’offre pour les droits de diffusion nationaux sur la période 2020-2024. Depuis de longs mois, de nombreux spécialistes estimaient en effet que l’engouement actuel pour la première division, dû notamment à la présence de la star de Paris, Neymar Jr., était tel qu’il fallait sauter sur l’occasion. Les droits devaient croître rapidement.

Certains experts parlaient même d’une valeur renégociée à 1 milliard d’euros et jusqu’à 1,5 milliard si tout se passait sans accroc. Une telle inflation, dans la mesure où l’économie du football est, depuis les années 1990, totalement dépendante des recettes télévisuelles, offrirait ainsi une manne financière exceptionnelle.

La télévision au service du sport et le sport au service du spectacle. N’en jetez plus, les choses sont merveilleuses, les prix augmentent, le public vient en masse, le football s’internationalise, Marseille est en demi-finale de coupe d’Europe. Nous sommes proches de la perfection.

Seulement voilà, le meilleur des mondes n’est qu’illusoire et chaque situation a son lot de problèmes et de perturbations. Vouloir supprimer le multiplex du samedi soir au profit d’un partage dominical demandé par les chaines de télévision conduit inévitablement à une mise en concurrence directe avec le football amateur. Qui, avec des matchs fixés le dimanche, va continuer à aller affronter le club du village ou du quartier d’à côté tout l’après-midi alors qu’il pourrait être confortablement installé sur son canapé ?

De même, et c’était l’une des inquiétudes du journaliste d’Europe 1 Julien Froment, comment vont pouvoir réagir les radios qui, depuis des décennies, avaient instauré les traditionnels créneaux du samedi soir ?

Le pouvoir en est rendu aux chaines de télévision et c’est le péril le plus lourd. Baser l’intégralité de son économie sur cette ressource, où certains clubs dépendent jusqu’à 60% des droits, c’est se retrouver totalement coincé en cas de faillite ou de fléchissement du système.

A voir Canal+ perdre inlassablement des abonnés saison après saison, constater que BeIn Sports cumule toujours une dette de plus de 1 milliard d’euros depuis sa création et découvrir que SFR Sport va revoir sa stratégie de commercialisation, c’est s’apeurer d’un risque d’éclatement.

Eclatement qui a déjà eu lieu ! Au début des années 2000 en Grande-Bretagne, la disparition du groupe ITV Digital a provoqué la faillite de 10 clubs anglais et une réduction de 15% de l’ensemble du budget agrégé des équipes de Championship.

La chose peut donc tout à fait se produire en France. En imposant cette organisation, on se rend totalement dépendant des choix et des décisions des chaînes de télévision, sans compter la mise en concurrence directe avec le sport amateur et le désagrègement des radios sportives.

Est-ce donc vraiment une bonne nouvelle ?

Par Pierre Rondeau

Pierre Rondeau est l’auteur, avec Richard Bouigue, du livre Le foot va-t-il exploser : pour une régulation du système économique du football dont la sortie est prévue pour le 03 mai prochain

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