Edito

Pour avancer, le foot amateur doit se réinventer

football amateur nouveau modèle économique
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Dans ce nouvel édito, Pierre Rondeau, Economiste du Sport, appelle les clubs de football amateur à réinventer leur modèle afin de lutter contre la baisse des subventions et la réduction des emplois aidés. Tout en prônant une nouvelle forme de solidarité.

Le sport amateur va mal, et aucun discours ni déclaration du président Emmanuel Macron ne pourra changer les choses. Depuis de nombreuses années, les subventions publiques baissent, les budgets du ministère des sports et du centre national de développement du sport fondent comme neige au soleil et les autorités ne semblent pas se préoccuper des conséquences négatives.

Les obtentions de l’Euro 2016, de la coupe du monde de rugby, en 2023, et des Jeux Olympiques de 2024 – en plus de beaucoup d’autres événements – sont les arbres qui cachent une forêt de décrépitudes et d’inquiétudes.

Le dernier coup de tronçonneuse a été la réduction annoncée – sans aucune contrepartie – des contrats aidés, fossoyeuse de nombreux emplois dans le secteur associatif. Sans ces aides, les clubs vont voir leur marge de manœuvre disparaitre, ils ne pourront plus employer les personnes indispensables à leur bonne gestion.

Encore très récemment, le CNOSF, le comité national olympique, annonçait la disparition probable de 20 000 emplois dans le secteur et la faillite de nombreux clubs, incapables de faire face aux nouvelles contraintes financières. Mais que faire alors ? Se lamenter et supplier le ciel de faire quelque chose ou agir afin de protéger le sport amateur et son rôle social, citoyen et éducatif ?

Le football des villages, des divisions inférieures, des districts et des ligues régionales doit se réinventer, se renouveler, doit s’imposer une révolution copernicienne. Face à la nouvelle situation conjoncturelle, le foot amateur doit se rationaliser et passer par une nécessaire « professionnalisation de ses structures ».

Les clubs se doivent de multiplier les collaborations avec le secteur privé, trouver de nouveaux partenaires commerciaux, imposer une standardisation et une normalisation de leur gouvernance, cesser les gabegies et les abus, limiter leurs dépendances vis-vis des aides publiques et des communes, maintenir une politique durable et pérenne au-delà des difficultés des collectivités.

Mais cette révolution doit aussi venir d’en haut. Il n’est pas normal que le foot amateur soit encore si peu considéré, si peu reconnu par la fédération française de football. Sur les 224.6 millions d’euros de budget votés en 2017-2018, la FFF ne consacre que 15 millions d’euros au FAFA, le fonds d’aide au football amateur.

D’après Eric Thomas, le président de l’Association française du football amateur (AFFA), « c’est un racket organisé », c’est trop peu pour les besoins incompressibles et indispensables des clubs, pour la formation sportive et citoyenne. Pourtant, le foot amateur ne sert pas seulement des footballeurs, il sert aussi des femmes et des hommes, il a un rôle essentiel qu’il faut protéger et renforcer.

Si rien n’est fait, le péril est grand. L’action doit donc être double ici, offensive. Il est urgent que certains clubs revoient leur gestion et leur manière de faire. Tout comme le foot professionnel et les instances dirigeantes. Ces derniers ont le devoir de prendre conscience de la situation et de tout faire pour éviter un raz-de-marée.

La solidarité ne doit plus s’enclencher de manière verticale où, comme avant, on redistribuait aveuglement les dotations et les fonds publics, il faut dorénavant réfléchir à un nouveau modèle pérenne, horizontal : main dans la main, les clubs amateurs avec les instances dirigeantes et le monde professionnel.

Par Pierre Rondeau

Pierre Rondeau est l’auteur, avec Richard Bouigue, du livre Le foot va-t-il exploser : pour une régulation du système économique du football dont la sortie est prévue pour le 03 mai prochain

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