Interview

V. Chaudel : « La stratégie de la FFF est excellente car elle se donne les moyens de développer et d’entretenir ses communautés »

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Première fédération à atteindre la barre des 3 millions d’abonnés sur Instagram, la stratégie numérique mise en place par la Fédération Française de Football est saluée par l’ensemble des professionnels du secteur. Une réussite qui n’est pas étrangère dans l’augmentation des revenus de sponsoring de la FFF. Ecofoot.fr fait le point avec Vincent Chaudel, Directeur Marketing et Communication chez Wavestone.

La Fédération Française de Football n’a cessé d’accroître ses revenus commerciaux au cours des dernières années. La FFF prévoit notamment plus de 102 M€ de revenus de sponsoring pour l’exercice 2018-19. En quoi la stratégie numérique amorcée par la direction marketing de la FFF contribue-t-elle à cette croissance ?

Les montants engagés par les partenaires commerciaux des fédérations sportives sont de plus en plus importants. Par exemple, il y a 10 ans, Adidas déboursait une dizaine de millions d’euros par an pour équiper les équipes de la FFF. Aujourd’hui, Nike reverse une somme de l’ordre de 50 M€ par an pour son partenariat avec les Bleus.

Pour pouvoir rentabiliser de tels investissements, les sponsors doivent activer leurs partenariats. Ils ne se content plus exclusivement de la visibilité. Ils veulent entrer en contact avec le consommateur final pour, tout simplement, développer leurs activités.

Et, à ce niveau, le digital est déterminant. Si vous avez développé vos communautés, vous pouvez proposer à vos partenaires une mise en relation directe avec plusieurs millions d’abonnés. Et une mise en relation va bien au-delà d’une simple communication !

La stratégie de la Fédération Française de Football est excellente car elle se donne les moyens de développer et d’entretenir ses communautés. La FFF bénéficie de l’une des plus importantes communautés parmi les participants à la Coupe du Monde 2018. Une importante communauté qu’elle peut désormais monétiser auprès des annonceurs.

A quand remonte le virage numérique de la Fédération Française de Football ?

Il faut remonter à 2010. Suite au traumatisme de Knysna, la Fédération Française de Football a décidé de reprendre en main son image ainsi que celle des Bleus. Une reprise en main également encouragée par la mise en place d’un système de bonus/malus instauré avec ses partenaires commerciaux, en fonction du comportement des joueurs de l’équipe de France.

Le travail de remise en ordre des sélectionneurs – amorcé par Laurent Blanc et poursuivi par Didier Deschamps – a également contribué à redorer l’image des Bleus. De plus, une belle dynamique sportive a été enclenchée. Aujourd’hui, la France fait partie des 6 favoris de la Coupe du Monde 2018.

Enfin, la sélection compte aujourd’hui dans ses rangs des joueurs qui maîtrisent à la perfection les codes des réseaux sociaux. Je pense notamment à Paul Pogba, Antoine Griezmann ou encore, au petit dernier, Kylian Mbappé. Le service marketing peut alors s’appuyer sur ce type de joueurs pour créer des synergies entre leurs propres réseaux sociaux et les comptes de la FFF.

Aujourd’hui, une conjonction de facteurs favorables explique la belle croissance de l’équipe de France sur les canaux numériques. Tous les signaux sont au vert.

Etant donné que les rassemblements de l’Equipe de France n’ont lieu qu’une dizaine de fois par an, il est difficile pour la FFF de maintenir une animation continue sur ses canaux numériques tout au long de l’année. Comment la Fédération est-elle parvenue à remédier à cette difficulté ?

Il y a plusieurs équipes de France gérées par la Fédération Française de Football. Cela permet de multiplier les temps forts. En plus, la France va accueillir le Mondial féminin en 2019. Il ne faut pas oublier également le football amateur !

Maintenant, c’est vrai que les rassemblements de l’équipe masculine A, notamment à l’occasion des grands événements, constituent les temps forts pour la FFF. S’il est difficile pour la Fédération Française de Football d’animer ses canaux sociaux avec la même régularité qu’un club de football ; en revanche elle connaît des temps forts à très haute intensité. Outre les canaux sociaux, cette intensité est également perceptible au niveau des audiences TV. Quand un choc de L1 attire au maximum 2,5 millions de téléspectateurs, un gros match de l’Equipe de France en compétition officielle va réunir plus de 10 millions de personnes.

Aujourd’hui, les grands clubs européens se tournent vers les marchés internationaux pour trouver de nouveaux relais de croissance. Une telle stratégie est-elle applicable pour une fédération ?

Elle est déjà appliquée. Depuis près de 2 ans, la Fédération Française de Football possède un bureau de représentation en commun avec la LFP en Chine. Ce qui constitue une excellente stratégie : le meilleur moyen d’internationaliser sa marque sur le marché chinois, c’est d’y être présent. Car l’écosystème chinois est très différent du nôtre. Des différences qui sont notamment très marquées au niveau numérique : la Chine adopte ses propres réseaux sociaux tels que WeChat.

Ensuite, pour en revenir aux réseaux sociaux plus classiques, ils permettent de maintenir un contact avec des fans du monde entier. Et notamment, avec les diasporas. Or, aujourd’hui, on retrouve des communautés françaises aux quatre coins du globe : à New York, à Shanghai, à Sidney…

De telles communautés ne sont pas intéressées par l’achat d’un billet pour venir voir l’équipe de France au Stade de France. En revanche, à travers les réseaux sociaux, les fans continuent à suivre l’actualité de l’équipe de France. Ils peuvent même aller jusqu’à acheter un produit dérivé des Bleus ou d’un partenaire. Via les réseaux sociaux, il est alors possible de transformer un lien affectif en lien commercial avec des fans vivant aux quatre coins du globe.

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