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La Premier League regrette-t-elle déjà sa réforme du mercato estival ?

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Leonard Zhukovsky / Shutterstock.com

Alors qu’une telle décision avait été saluée par bon nombre de professionnels du secteur, les clubs anglais ont en pratique connu quelques difficultés dans leur recrutement en raison de la fermeture prématurée de leur mercato estival. De quoi présager un nouvel aménagement de la période des transferts ?

Les sourires s’affichaient sur les visages des dirigeants de Premier League au mois de septembre dernier. Après plusieurs semaines de discussion, le Board du championnat anglais votait une réforme importante : la fermeture du mercato estival avant la reprise de la compétition.

Lors de la prise de décision, peu de voix dissonantes s’étaient exprimées concernant la mise en place d’une réforme qui résonnait déjà comme une petite révolution. Et même si quelques clubs ont voté contre la fermeture prématurée du mercato estival – dont Manchester United et Manchester City notamment – leurs dirigeants ne sont pas montés au créneau pour dénoncer cette décision.

« Les joueurs vont pouvoir être focalisés sur les aspects sportifs dès le début du championnat » pouvait-on alors entendre chez les partisans de cette réforme. Un avis partagé notamment par de nombreux joueurs – dont Harry Kane – ou encore certains techniciens de Premier League dont Arsène Wenger, encore en poste à Arsenal FC au moment de l’entérinement de la décision.

Une fermeture anticipée du marché des transferts qui a même été saluée à l’époque par certains responsables de clubs étrangers. « La décision de la Premier League de fermer plus tôt son marché des transferts est intelligente. Désormais, nous devons organiser des discussions à ce sujet au niveau européen » avait alors commenté Giuseppe Marotta, Directeur Général de la Juventus. « La mise en place de cette mesure est une bonne idée » avait alors ajouté Vadim Vasilyev, patron exécutif de l’AS Monaco.

Outre le figeage des effectifs avant le début des compétitions – même si les clubs de Premier League sont autorisés à vendre à des clubs étrangers au-delà de la deadline imposée – les dirigeants des clubs anglais espéraient également réduire les effets du « panic buy » à travers une telle décision. Des achats compulsifs de dernière minute qui entraînent toujours une suractivité lors de la dernière journée des transferts. Lors de l’ultime jour du mercato estival 2017, les clubs de Premier League avaient ainsi dépensé quelques… 210 M£ !

Des investissements bruts en baisse en Premier League

En pratique, la réforme a été pour la première fois mise en place lors de ce mercato estival 2018. Les clubs anglais ont alors eu jusqu’au jeudi 09 août, veille de la reprise du championnat, pour compléter leurs achats.

Une mesure qui, dès sa première année, a déjà provoqué quelques tendances lourdes au sein du marché anglais des transferts. En effet, pour la première fois depuis 2012, les dépenses brutes en transferts ont diminué au sein du championnat de Premier League.

Alors que les 20 clubs de Premier League avaient investi plus de 1,4 Md£ sur le marché estival des transferts en 2017, le montant des investissements s’est élevé à « seulement » un peu plus de 1,2 Md£ lors du mercato estival 2018. Un montant inférieur de 200 M£ qui est surtout lié à une réduction importante des transactions intra Premier League. Un effet calendrier qui n’est sans doute pas étranger à cette baisse.

Malgré cette légère tendance baissière, la Premier League reste toujours le championnat européen le plus dépensier. Et même si les autres championnats majeurs n’ont pas encore bouclé leur marché – hormis les clubs de Serie A – il est peu probable qu’un concurrent de la Premier League parvienne à la dépasser d’ici le 31 août.

La Premier League a-t-elle surpayé les joueurs recrutés dans les championnats étrangers ?

En revanche, l’ajustement du calendrier du mercato estival n’a pas rompu avec une tradition : les lourdes indemnités versées par les clubs de Premier League pour dénicher des talents à l’étranger, donnant lieu à une balance des transferts lourdement déficitaire.

Ce déficit s’est même accentué lors de ce mercato estival 2018. Alors que la Premier League a acheté pour 880 M£ sur les marchés étrangers – contre 770 M£ en 2017 – le championnat anglais affiche une balance des transferts déficitaire de l’ordre de 865 M£. Un montant en hausse de 180 M£ par rapport au mercato estival 2017. Et même si les clubs anglais peuvent encore vendre certains joueurs à l’étranger, nul doute que le championnat anglais affichera toujours un bilan déficitaire à la fin de la période estivale.

Pour certains spécialistes, la fermeture anticipée du mercato estival de Premier League n’est pas étrangère à l’accentuation du déficit de la balance du championnat anglais. Le non-alignement de la période des transferts des autres championnats européens et la Coupe du Monde ont obligé les clubs anglais à conclure les deals rapidement, acceptant alors plus facilement les exigences financières des clubs vendeurs. Certains spécialistes anglo-saxons de l’économie du sport – à l’image du Professeur Simon Chadwick – n’hésitent pas à parler de « malédiction du vainqueur » pour qualifier certains transferts opérés par les clubs de Premier League.

Un des symptômes causés par cette asymétrie des calendriers est la lourde inflation du marché des gardiens. Cherchant un élément de haut niveau pour prendre la place de Loris Karius, Liverpool FC n’a pas hésité à investir 65 M£ pour recruter Alisson en provenance de la Roma. Un record qui sera rapidement effacé par l’arrivée de Kepa Arrizabalaga à Chelsea pour 72 M£. Les Blues ont été contraints d’investir une somme très importante pour recruter un portier en raison du départ de Thibaut Courtois dans les derniers jours du mercato… anglais !

Heureux de la décision prise au mois de septembre dernier, certains dirigeants de Premier League commencent à regretter la fermeture anticipée du mercato anglais. Si les autres championnats venaient à ne pas s’aligner sur les dates de la Premier League, le Board du championnat anglais pourrait reconsidérer cette réforme. A moins que les conséquences du Brexit sur la libre circulation des joueurs européens ne viennent totalement remettre à plat les politiques de transferts des clubs de Premier League…

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