Interview

« A Mulhouse, nous avons bien conscience que les clubs doivent désormais inventer un modèle moins dépendant de l’argent public »

6 avril 2013 : le derby alsacien voit le RC Strasbourg affronter le FC Mulhouse (0-0) en championnat de CFA devant 20 000 spectateurs au stade de la Meinau. Cinq ans plus tard, le premier a retrouvé l’élite du football français et a attiré plus de 24 000 spectateurs de moyenne en 2017-2018 dans une enceinte devenue trop exigüe. Le second évolue désormais en National 3 (5ème échelon national) dans un stade de L’Ill presque désert.

En Alsace, beaucoup considèrent qu’il n’y a de la place que pour un seul club professionnel, le RC Strasbourg, dont le poids économique et le potentiel public sont bien supérieurs à celui de son homologue haut-rhinois.

Pourtant, le FC Mulhouse a séduit Gary Allen, un entrepreneur américain qui a repris le club en janvier 2017. Celui-ci a réussi dans le business à la tête d’une entreprise éponyme de décoration d’intérieur. Il possède par ailleurs aux Etats-Unis un club de football de 4ème division, une équipe féminine de 2ème division et une école de football pour les jeunes. Ayant échoué dans un projet de reprise de l’ES Troyes AC en 2016, il a racheté peu après le FC Mulhouse à Alain Dreyfus, un homme d’affaires local.

Ecofoot a rencontré Eric Descombes, l’homme de confiance de Gary Allen. Ancien footballeur professionnel et sélectionneur de la République Centrafricaine, il était également impliqué dans le projet troyen. Situation singulière, il cumulera lors de la saison 2018-2019, les fonctions de directeur sportif et entraineur. Propos recueillis par Benoît Wantz.

Pour quelles raisons Gary Allen a racheté le FC Mulhouse début 2017 ?

Déjà propriétaire des Spartans Futbol de Portland aux Etats-Unis – rebaptisé depuis FC Mulhouse Portland – M. Allen souhaitait reprendre un club en France. En effet, il estime que le contrôle de la DNCG permet d’y investir plus sereinement que dans un autre championnat européen. Après le projet de reprise avorté de Troyes, il a continué à sonder les clubs potentiellement en vente et s’est intéressé au FC Mulhouse. Si le club évoluait à un niveau amateur, M. Allen a été séduit par trois aspects : la dimension historique du club (fondé en 1893), la taille de la ville (plus de 100 000 habitants) et son excellente desserte (gare TGV et aéroport international).

Malheureusement, le club a été relégué en National 3 quelques mois après son arrivée. M. Allen a-t-il été tenté de quitter le club ?

Il est clair que cette rétrogradation a clairement retardé son projet. Néanmoins, ce n’est pas dans la mentalité américaine de renoncer à la première difficulté. La meilleure preuve de son investissement est qu’il vit désormais à l’année à Mulhouse où il a acheté un appartement. Après avoir injecté 200 000 € sur le compte bancaire du club dès son arrivée pour rétablir les comptes, M. Allen a également dépensé plusieurs centaines de milliers d’euros depuis 18 mois.

Quels sont les objectifs à court et moyen terme du FC Mulhouse ?

Posséder un club de football en National 3 relève du mécénat et seule une accession à minima en National peut permettre d’avoir une ambition économique. C’est le palier à atteindre à court terme avant de viser plus haut. Avec un rafraichissement, le stade de l’Ill (11 303 places) serait encore aux normes de la Ligue 2 mais pas de la Ligue 1.

Pensez-vous qu’il y ait le potentiel public et économique à Mulhouse pour retrouver le professionnalisme en face de l’ogre strasbourgeois ?

Oui, il y a une vraie identité mulhousienne et plus largement haut-rhinoise. C’est l’absence de résultats sportifs depuis vingt ans qui explique la désaffection du public et des entreprises. C’est pour cela que le retour en National est indispensable pour retrouver un cercle vertueux. Les entreprises et le public viendront naturellement nous soutenir lorsque le spectacle et l’ambition sportive seront de retour. Nous pensons qu’il y a de la place pour deux clubs professionnels en Alsace.

Combien comptez-vous de partenaires économiques ?

Une cinquantaine environ. La plupart des entreprises qui nous soutiennent sont des nouveaux partenaires qui croient en notre projet.

Quelle est votre moyenne de spectateurs ?

400 personnes environ. Ce sont des fidèles, nostalgiques de la dernière période dorée du club dans les années 1980 (deux saisons parmi l’élite). A ce sujet, notre projet intègre un rajeunissement du public afin qu’il ressemble à la population de la ville. Nous venons d’ailleurs d’engager un partenariat avec le lycée Louis-Armand pour soutenir un projet de cursus e-sport et nous prêtons nos couleurs et notre logo à une équipe de gaming. Nous allons également avoir un community manager pour être plus présents sur les réseaux sociaux et moderniser notre communication.

Comptez-vous engager un partenariat avec un club voisin professionnel (Strasbourg, Sochaux ou Bâle) afin de disposer de prêts de joueurs ?

Cela ne fait pas partie de nos projets et notre volonté n’est pas d’engager un partenariat d’exclusivité ou de devenir un club satellite. Nous souhaitons garder notre identité. Aujourd’hui, nos meilleurs jeunes nous quittent pour rejoindre les clubs que vous avez cités. Nous pourrons les conserver lorsque le FC Mulhouse aura retrouvé le professionnalisme.

Sous quel contrat évolue votre effectif ?

La majorité des contrats sont fédéraux à temps complet ou partiel. Nous disposons également de quelques contrats aidés et amateurs.

Quelles sont vos relations avec la ville et les collectivités locales en général ?

Elles sont très bonnes. La ville de Mulhouse nous verse une subvention de 200 000 € à l’année. En outre, le stade de l’Ill et les charges afférentes sont prises à sa charge. Nous recevons également des subventions moins importantes d’autres collectivités comme la région. Nous avons bien conscience que les clubs doivent désormais inventer un modèle économique moins dépendant de l’argent public.

Propos recueillis par Benoît Wantz

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