Stratégie

Peut-on utiliser les probabilités pour prédire les résultats footballistiques ?

Samedi, le journal l’Equipe a publié un article sur le match Lille – Ajaccio de la 4ème journée de Ligue 1. Cette affiche, pas très prestigieuse, a eu droit à un article entier grâce à un fait bien particulier : pour la première fois dans l’histoire du foot, il opposait deux clubs n’ayant inscrit aucun but depuis le début de la saison.

Le journaliste, Jean Le Bail, a analysé et étudié ce phénomène bien particulier. En plus de Montpellier et Guingamp, les deux adversaires du soir n’avaient toujours pas marqué le moindre but et se retrouvaient dans un match déjà couperet.

Le Bail m’a alors demandé de construire une analyse probabiliste sur cet évènement. Autrement dit, il a souhaité présenter des chiffres significatifs montrant pourquoi le Lille – Ajaccio était une rencontre exceptionnelle.

Il convient de préciser tout de suite que l’application des outils statistiques et probabilistes dans le foot est très risquée. Ce n’est pas un environnement stable, où le temps défile normalement, sans turbulence empirique ni biais environnementaux.

On le dira bien assez souvent, dans ce sport règne la glorieuse incertitude : sur un seul match n’importe qui peut battre n’importe qui. Une motte de terre peut dévier la trajectoire d’un ballon, une passe peut être contrée, un tir raté, une transmission interceptée, et sur un contre, un temps fort, tout peut arriver.

Seulement, il y a des tendances. Puisque les matchs sont nombreux et ont lieu toutes les semaines, il est possible de dégager un résultat mathématique significatif.

Par exemple, si l’on pose que, dans un jeu à pile ou face, la chance de tomber une fois sur pile ou une fois sur face est de 50%, quelle est la probabilité de tomber 17 fois d’affilée sur pile ? 0.00076%. Extraordinaire, non ?

Cela signifierait qu’il faudrait lancer au moins 13 158 fois une pièce pour, une fois, espérer tomber à la suite 17 fois sur pile. Alors qu’en foot, si on arrive à calculer que la probabilité que des équipes n’aient pas marqué le moindre but soit aussi faible, on dira que c’est n’importe quoi, que c’est impossible à calculer, que c’est faux puisque ce n’est jamais arrivé.

Et bien si, c’est précisément arrivé cette saison, après 80 ans d’expérience de ligue 1, soit plus de 25 000 matchs joués.

Comment parvient-on à ce résultat ? J’ai appliqué, pour ce calcul, une loi de Poisson. Développée par le mathématicien Français Siméon-Denis Poisson, dans son livre Recherches sur la probabilité des jugements en matière criminelle et en matière civile, cette loi détermine la probabilité de tomber sur un évènement rare en répétant plusieurs fois une expérience.

Avec elle, il est possible de prédire la fréquence globale et la distribution aléatoire de situations – combien de fois elles apparaissent et de quelle manière – aussi longtemps que ces évènements se produisent rarement, de manière cohérente et indépendante.

Cette loi a été utilisée par les économistes David Sally et Chris Anderson, dans leur livre The Numbers Game, afin de prédire le nombre de buts dans le big-5 entre 1993 et 2011. Ils obtiennent une efficience égale à 90% entre la réalité et le prédictible. Il n’y a quasiment aucune différence.

L’on doit au physicien Anglais, John Wesson, la construction de la formule mathématique applicable au sport. Dans son livre, La Science du football, il la pose comme il suit.

Si le score moyen d’une équipe est de r buts par heure, la probabilité qu’elle marque n buts en un temps t, mesuré en heure, est

P=((rt/n)/n!)e-rt

J’ai donc récupéré les données en ligue 1 depuis la saison 2002-2003. En moyenne, sur 13 saisons, 888 buts sont marqués par an, soit 1.16 but par match et par équipe. A l’heure, c’est 0.78 but toutes les 60 minutes.

La question qui était posée était : quelle est la probabilité que 4 clubs n’aient marqué aucun but en 3 matchs ? On va calculer la probabilité de marquer 0 but en 270 minutes avec la statistique de 0.78 but par heure.

Le résultat obtenu, pour un seul agent, est de 3.003%. Lorsqu’on en a 4, on obtient 0.00008%. Chose extraordinaire, mais ça ne veut pas dire que c’est faux ! La répétition continue des matchs devait permettre à ce que cela arrive au moins une fois, et c’est arrivé précisément cette année.

Il n’y a donc pas à s’offusquer de l’utilisation des statistiques et des probabilités dans le foot. La glorieuse incertitude va de pair avec la grande convergence.

D’ailleurs, samedi, Lille a marqué contre Ajaccio. La tendance statistique allait dans ce sens. A présent, il reste deux équipes, Montpellier et le Gazélec, qui affichent zéro but au compteur. Probabilité que cela arrive : 0.00871%.

mhsc buts ligue 1

Le MHSC et le Gazélec n’ont toujours pas ouvert leur compteur but en Ligue 1

Et c’est arrivé. Depuis la création du championnat de France, en 1932, il fallait bien l’avoir une fois …

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