Stades

Comment valoriser son offre matchday ?

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Aujourd’hui en France, seulement quelques clubs arrivent à jumeler remplissage de stade et recettes matchday importantes. Globalement, nous remarquons que les stades de football peinent à attirer foule en France. L’Euro 2016 devait remplir les (coûteuses) nouvelles enceintes mais il ne semble pas tenir toutes ses promesses. L’effet « tout nouveau, tout beau » est passé. Cela est d’autant plus paradoxal dans un pays qui comptait pourtant plus de 2 millions de licenciés en 2016….

Alors posons-nous la question, pourquoi ? Les billets sont-ils trop chers ? Les amateurs de foot, préfèrent-ils regarder un match à la Tv… ? Les horaires ne sont pas adaptés au stade ?

Chaque question mériterait d’être étayée, mais nous allons centrer cet article sur l’offre matchday, en nous demandant si elle a encore de la valeur et si non comment développer cette valeur.

De nombreux chercheurs en marketing, soulignent qu’aujourd’hui, notre société est devenue « désenchantée ». Tout ou presque est devenu marchand, les individus sont « hyper » rationnels. Certains travaux du célèbre économiste W. Andreff, publiés notamment dans l’ouvrage Mondialisation économique du sport, mettent en lien ce constat avec le football. La rationalisation et la marchandisation du football ont entraîné la mise en place de tactiques de plus en plus défensives au cours de ces dernières années, il n’y a qu’à voir les différences de score entre les années 50-60 et aujourd’hui. Bien qu’au football, l’issue d’un match soit « incertaine », on remarque une baisse globale de la spectacularisation des matchs. En effet beaucoup de clubs n’offrent plus un spectacle mémorable sur le terrain.

Mais alors comment amener des supporters à venir profiter d’un spectacle qui n’en est plus un… ? Et comment leur faire vivre une expérience unique qui donnera envie aux supporters de revenir ?

Dans leur ouvrage Le marketing expérientiel – Vers un marketing de la cocréation, Marc Filser et Claire Roederer (Chercheurs en marketing) ont mis en évidence que l’expérience était désormais une des « pierres angulaires » des stratégies marketing actuelles. La consommation pourrait donc être réenchantée et revalorisée par deux leviers :

  • Le retour à des expériences authentiques
  • L’activation forte d’émotions

Le match de football regroupe en lui-même ces deux éléments.

Quoi de plus authentique au football, que de regarder un match de son équipe favorite debout en dégustant une bière entre amis ?  Le succès des tribunes « authentiques » comme la Sud tribune de Dortmund, la WestKruve de Kaiserlautern ou certains virages français illustre bien cette authenticité. Le football est d’abord une fête populaire avant d’être un spectacle d’animations.

Parallèlement, l’activation d’émotions forte est liée à l’attachement d’un supporter à son club. Avec un stade rempli de spectateurs, difficile de créer une émulation, des émotions fortes…Ressentir et exprimer ses émotions est symptomatique d’un supporter qui suit son équipe lors d’un match. D’autant plus si ce match est à enjeu.

Ces auteurs ajoutent également un point essentiel, la participation du « consommateur » dans la production de l’expérience, « co-création ».

En quoi le supporter peut-il co-créer son expérience ?

Les chants, les chorégraphies en tribunes, les drapeaux etc… tous ces éléments font partie de la co-production de l’expérience. Le football est donc très propice à la valorisation de l’expérience supporter.  Nous savons que les supporters consomment le match de différentes manières, mais ils ont leur rôle à jouer en participant activement au match. Dans notre société, les individus donnent de plus en plus de sens à leur consommation. Il ne s’agit plus d’acheter un produit et de le consommer, cela doit avoir une dimension symbolique. Comment peut-on croire que les supporters vont rester assis sur un siège et venir 19 fois au stade dans la saison ? Et quand bien même, les nombreux spectateurs qui apprécient regarder un match assis vous diront qu’ils apprécient pouvoir assister à un double spectacle terrain/tribune.

Dans un article de Sofoot, le célèbre sociologue Nicolas Hourcade évoque d’ailleurs cette co-création. Il compare la transposition dans certain stade de la culture populaire américaine, dans laquelle les organisateurs de spectacle « dictent » la manière d’être supporter. Cela laisse peu de place à la co-création de la fan expérience, si cher dans le cœur des Français et des Européens.

De plus, cette participation différencie l’expérience par rapport aux offres concurrentes et apporte donc plus de valeur à l’offre matchday. Nous allons nous répéter, mais le football à la chance d’offrir un panel large d’émotions difficilement retrouvables et transposables dans d’autres loisirs.

Les institutions comme la LFP ont tout intérêt à favoriser ce supporterisme. Paradoxalement, lorsque l’on voit la manière dont sont traités ceux que l’on peut considérer d’une certaine manière comme les « garants » de cette fête populaire (les ultras), il y a encore un long chemin. Aujourd’hui, ce sont en grande partie ces derniers qui créent l’ambiance d’un stade (et non l’insécurité comme on peut souvent l’entendre dans les médias non spécialisés). De plus, c’est cette même « répression », qui engendre davantage de comportements agressifs…. Il est très intéressant de lire les travaux de sociologues comme Nicolas Hourcade ou Bérangère Ginhoux (pour ne citer qu’eux) pour comprendre la nécessité d’instaurer un dialogue préventif avec l’ensemble des supporters plutôt que la répression et la stigmatisation actuelle d’une partie d’entre eux.

Tout comme les institutions, les clubs ont également intérêt à favoriser le supporterisme. Il faut développer cette identité de fans et non la « renier ». On imagine mal Harley Davidson se couper de l’image (pas toujours angélique) du biker.

En parlant purement business, c’est cette même ambiance générée par les émotions des fans qui est porteuse de valeur. Quel amateur de football ou simple curieux n’a jamais voulu vivre l’ambiance d’un derby à Geoffroy Guichard. Et ce ne sont pas les spectateurs qui feront vibrer un stade et monter la pression durant un derby……

La co-création va ajouter une valeur supplémentaire et rendre « unique » ce moment. Or aujourd’hui, beaucoup de choses sont faites pour créer artificiellement cette ferveur ou même  l’imiter plutôt que de laisser libre court à l’imagination des supporters.

Co-production de l’expérience, émotions et attachement au club semblent être des leviers indissociables pour réenchanter ce spectacle, développer son public et augmenter la valeur d’une offre matchday. Favoriser la co-création des expériences par les supporters va davantage les impliquer. Cette implication générera plus de fidélité.

Si vous souhaitez prolonger la discussion, n’hésitez pas à suivre le compte Twitter de Pierre-Alban Blin 

Source photo à la Une : RC Lens

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