Edito

La vidéo dans le foot, c’est dorénavant officiel !

édito pierre rondeau arbitrage vidéo
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Dans ce nouvel édito, Pierre Rondeau, Economiste du sport, regrette la validation de l’assistance vidéo à l’arbitrage par l’IFAB et la manière dont la décision a été prise.

Voilà ça y est, c’est fait. Après des années d’attente et de réflexions, de demandes et autres tergiversations, l’IFAB, l’instance décisionnaire des lois du jeu, a voté la généralisation de l’usage de la vidéo dans le football.

La chose sera effective lors de la Coupe du Monde en Russie, en juin prochain, et appliquée en Ligue 1 dès la saison prochaine. Tous les grands championnats européens intégreront d’ailleurs cette nouvelle norme. Seule la Ligue des Champions et l’Europa League resteront à l’écart et garderont les techniques ancestrales et primitives du foot.

Pour Aleksander Ceferin, digne successeur de Michel Platini à la tête de l’UEFA, « l’expérimentation [de l’assistance vidéo] n’est pas terminée et il faut encore réaliser des tests. […] En allant trop vite, le risque serait de laisser rentrer trop d’oppositions ».

Et c’est justement le problème. Le Board de la FIFA a confirmé une réforme sans écouter les voix du sport, sans observer les requêtes des joueurs, des entraîneurs et des supporters. Aucune attention n’a été donnée aux acteurs principaux et seuls des hommes en costume, bien protégés derrière leurs bureaux suisses, ont acté une révolution sans précédent.

Quelles en seront les conséquences ? Comment pourrons-nous garantir le respect et l’équilibre du sport, sa pérennisation et sa stabilité ? En modifiant si fortement l’essence des règles, en faisant rentrer la fée technologique dans notre terre aride et primaire du foot, on prend le risque inconsidérable de perturber à jamais le ballon rond.

Les faits nous donnent d’ailleurs raison. En Italie, la VAR a été testée pendant 1 an et n’a laissé que des problèmes. Toute la presse s’est retrouvée vent debout contre la vidéo. Même les joueurs, déçus par des prises de décisions abjectes et infondées, se sont retournés contre la technologie.

En clair, la vidéo a posé plus de problèmes qu’elle en a résolu.

Et malgré tout, l’IFAB n’en a eu cure, n’a pas attendu la fin des phases d’expérimentation et est passée avec fracas.

Sur Ecofoot, un édito contre la vidéo avait déjà été publié. Dedans, je faisais état de mon intérêt à défendre la glorieuse incertitude du foot et sa mythologie, à faire de l’arbitre le comédien principal de nos tragédies hebdomadaires.

« Nous aimons le football parce qu’il est le reflet […] de notre société, avec ses crises, ses déboires et ses injustices. Si nous pouvons parler de foot pendant des heures, c’est aussi parce que nous pouvons critiquer l’arbitre […], rappeler ses erreurs, ses oublis, ses absences, ses carences.

Que serait un sport aseptisé de toute brimade, de toute insulte, de toute réprimande ? L’arbitre est un élément du jeu. C’est pour toutes ces raisons qu’il peut se tromper, qu’il peut offrir 3 points à l’adversaire ou lui offrir une qualification en finale. Qu’il peut bouleverser un destin et faire passer une équipe du sommet aux bas-fonds.

[…] L’injustice et la partialité, c’est ça le football. C’est savoir que même avec les meilleurs joueurs ou la meilleure volonté, on peut perdre un match. C’est la glorieuse incertitude du sport, le suspense indolore et indicible. »

Finalement, je me rends compte que la vidéo va tout simplement retourner cette injustice, la renforcer. Puisque des erreurs seront encore commises mais que, cette fois-ci, elles seront confirmées et renforcées par la vidéo.

On refusera des buts, pourtant valables, avec la vidéo, et on en accordera, avec la vidéo, malgré des fautes.

D’aucuns souhaitent la vidéo pour lutter contre les injustices. Et bien, rendez-vous compte, avec la VAR, votre sentiment d’injustice sera centuplé.

Par Pierre Rondeau

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