Interview

« Nous voulons mettre en place en France un modèle d’économie du sport suffisamment compétitif pour pouvoir l’exporter »

Travail initié par Valérie Fourneyron et poursuivi par ses successeurs, la mise en place et la montée en puissance du bureau de l’économie du sport et du sport professionnel vise à impulser la nécessaire prise en compte par le Ministère des Sports des problématiques «  business » du secteur. Différentes initiatives dont la Filière Sport et le Collectif Football France ont été lancées, et ont notamment permis la promulgation de plusieurs lois structurantes pour le sport professionnel comme celle sur les garanties d’emprunt.

Ecofoot.fr s’est entretenu cette semaine avec Hubert Tuillier et Vincent Massardier, Analystes économiques au Ministère des Sports, afin de faire le point sur l’avancée des travaux actuellement menés par l’administration désormais dirigée par Laura Flessel tout en évoquant les retombées des différentes initiatives sur la compétitivité du football français.

Comment est née l’initiative Collectif Football France mise en place dernièrement par la Fédération Française de Football, la Ligue de Football Professionnel et le Ministère des Sports ?

Avant de parler du Collectif Football France, il est important de rappeler le contexte de la Filière Sport dans lequel le Collectif Football France s’inscrit.  En 2016, notamment sous l’impulsion de Patrick Kanner et d’Emmanuel Macron, le Ministère des Sports s’est engagé avec le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères et le Ministère de l’Economie, dans la constitution d’une filière stratégique du sport regroupant aujourd’hui trois ministères, une quinzaine de fédérations sportives, 200 entreprises, et tous les établissements publics en lien avec le sport.

Cette décision s’explique par le poids croissant du sport dans notre économie (2% du PIB), sa résilience à la crise économique, la perspective des Jeux Olympiques 2024, l’absence cependant de lieu de communication et d’échanges entre tous ces acteurs hétérogènes et la nécessité de de renforcer la compétitivité du sport professionnel français. Il était capital de pouvoir travailler avec l’ensemble des administrations : en effet, certains sujets liés au secteur du sport professionnel peuvent concerner le Ministère de l’Economie (fiscalité…), le Ministère des Affaires Etrangères (accueil des délégations internationales…), le Ministère de la Santé (loi Evin…), le Ministère de l’Ecologie (publicité dans les stades…), les collectivités territoriales…

La Filière Sport permet de réunir les acteurs dans différents groupes de travail afin d’identifier les problématiques spécifiques liées à l’économie du sport. Cela peut être des problématiques liées à la méconnaissance de certains sujets faute d’études ou de datas, à la modernisation du Code du Sport, à l’innovation comme par exemple comment mieux accompagner les startups du secteur dans leur développement sur les marchés internationaux…

A travers la Filière Sport, nous cherchons à renforcer la coopération entre les différents acteurs du secteur tout en promouvant l’innovation et de nouveaux modes de financement du sport. Notre objectif est de mettre en place en France un modèle d’économie du sport suffisamment moderne et compétitif pour pouvoir l’exporter à l’international. Nos entreprises doivent être en capacité de répondre aux besoins croissants liés aux politiques publiques sportives menées par certains pays ou encore à l’organisation de grands événements sportifs. Le marché de l’événementiel sportif pèse désormais entre 45 et 50 milliards d’euros par an !

Quelle est la place du Collectif Football France au sein de la Filière Sport ?

Lors de la mise en place de la Filière Sport, nous avons beaucoup travaillé avec la Fédération Française de Football. C’est évidemment l’une des fédérations sportives les mieux structurées, avec de très forts enjeux liés à l’internationalisation de ses activités. La Fédération Française de Football, en collaboration avec la Ligue de Football Professionnel, a notamment ouvert en février dernier un bureau en Chine, piloté par Romuald Nguyen, à partir duquel elle cherche à développer ses activités sur ce nouveau territoire, notamment dans le domaine de la formation.

Parallèlement à notre étroite collaboration avec la FFF, nous avons également remarqué que la plupart des entreprises cherchant à internationaliser leurs activités sont en lien avec le football. Je pense notamment à GL Events, qui par ailleurs a effectué un travail exceptionnel pour nous aider à structurer cette Filière Sport côté privé.

A partir de ces différents constats, nous  avons alors décidé avec la FFF et la LFP de réunir au sein d’un groupe de travail l’ensemble des acteurs liés au football. Nous avons donc répliqué le modèle de la Filière Sport.

En réunissant tous les acteurs du secteur footballistique au sein d’une même structure, nous souhaitons favoriser le partage de réseaux et de connaissances entre les différentes entreprises. Le tissage de liens peut même aller jusqu’à la mutualisation de certaines ressources lors de la mise en place de stratégies d’internationalisation. Le Collectif Football France constitue alors un cadre propice aux échanges, au sein duquel la FFF et les entreprises françaises du secteur peuvent évoquer leurs problématiques liées à l’internationalisation de leurs activités.

Ce qui est donc capital, c’est la volonté de la FFF de se positionner comme la tête de gondole de l’économie du football et de partager son réseau international aux entreprises françaises : en cela, nous tirons un grand coup de chapeau à toute l’équipe de Victoriano Melero et d’Emmelyne Ravier.

Comment devient-on membre de la Filière Sport et du Collectif Football France ?

Pour intégrer la Filière Sport, il n’y a pas de conditions particulières à remplir. Toute entreprise peut intégrer gratuitement la Filière Sport à condition d’avoir son siège social en France et d’avoir des capitaux français.

Concernant le Collectif Football France, son objectif prioritaire est d’aider les entreprises françaises ayant une activité significative dans le football à internationaliser leurs activités. Il y aura un processus de sélection pour pouvoir intégrer le Collectif qui se distingue d’un label.

C’est la FFF et la LFP qui choisiront les membres du Collectif Football France à partir des critères suivants : innovation, qualité des produits, éthique, capitaux français. Cette marque pourra uniquement être utilisée lors d’actions collectives.

Le lancement du Collectif Football France a-t-il déjà permis à certaines entreprises de remporter des marchés à l’international ?

La marque du Collectif Football France sera bientôt officiellement déposée : il est alors difficile d’évoquer les retombées de l’initiative.

logo collectif football france

En revanche, au cours de la dernière année, nous avons déjà mené plusieurs opérations en collaboration avec la FFF, la Direction Générale du Trésor et Business France. Nous nous chargeons notamment de mettre en place un « pavillon France » afin d’optimiser la présence de nos entreprises lors des principaux salons internationaux. Nous nous sommes dernièrement rendus à Mexico pour assister au Soccerex, à Los Angeles pour le NSCAA ou encore au Japon, à Panstadia au sein du plus gros salon des équipements sportifs de la zone Asie-Pacifique.

Par le passé, les entreprises françaises qui se rendaient sur les salons internationaux y allaient chacune de leur côté. En organisant un pavillon France, nous optimisons leur visibilité auprès des prospects présents au sein du salon. De plus, avec nos partenaires, nous effectuons un travail en amont permettant aux entreprises de rentrer plus facilement en contact avec des décisionnaires en leur faisant profiter d’un soutien institutionnel comme des rendez-vous à l’Ambassade ou au Consulat.

pavillon france

Avec la Fédération Française de Football, nous avons développé une excellente complémentarité nous permettant d’optimiser au mieux la présence française sur les grands salons internationaux dédiés au sport. La FFF redirige ses contacts vers les entreprises françaises et, au Ministère des Sports, nous apportons la caution institutionnelle. Par exemple, lors de notre participation au NSCAA de Los Angeles, nous avons convié avec la FFF et notre réseau sur place, les représentants de la MLS au consulat pour un cocktail en présence des entreprises françaises.

Enfin, ce travail est amené à être réalisé avec dans d’autres disciplines sportives comme le rugby ou le sport automobile.

Vous avez reçu une délégation camerounaise à l’occasion de l’EURO 2016. Cette réception a-t-elle permis à des entreprises françaises de conclure des contrats sur le marché camerounais ?

A l’époque, le Collectif Football France n’existait pas encore. Nous agissions dans le cadre de la Filière Sport. Cette réception a d’ailleurs contribué à lancer l’initiative Collectif Football France.

Au Ministère des Sports, nous ne suivons pas au quotidien les relations tissées entre les entreprises françaises et nos interlocuteurs internationaux. Nous avons plutôt un rôle d’entremetteur. En revanche, nous essayons avec la Direction Générale du Trésor, qui pilote l’action internationale de la Filière ; d’effectuer un premier travail d’identification des vrais décideurs, qui permet aux entreprises de gagner un temps précieux. Car, sur certains marchés, de nombreuses personnes s’attribuent un pouvoir de décision qu’elles ne possèdent pas en réalité.

Lors de la CAN féminine 2016, organisée juste après l’EURO 2016, des entreprises françaises ont remporté des contrats concernant la compétition grâce aux actions menées au sein de la Filière Sport. Et il y a fort à parier que grâce à ces premiers contacts, d’autres opportunités se présenteront concernant l’organisation de la CAN 2019, qui aura également lieu au Cameroun.

Le Collectif Football France aura-t-il à l’avenir pour ambition d’aider les clubs de Ligue 1 à internationaliser leurs activités ?

Nous travaillons déjà avec certains acteurs du football professionnel au sein du Collectif Football France, comme la LFP. Nous avons donc vocation à travailler avec les clubs.

Cependant, pour le moment, nos relations avec les clubs professionnels sont limitées. La majorité des clubs professionnels français sont des PME qui n’évoluent pas à Paris et nous travaillons essentiellement avec l’ANSLP ou les syndicats de clubs comme l’UCPF ou Première Ligue.

Après, ce n’est pas au Ministère des Sports ou à la Direction Générale du Trésor de trouver des partenaires internationaux pour les clubs de Ligue 1. En revanche, si les clubs ont besoin d’un soutien institutionnel dans leur stratégie de développement, notamment en Chine ; nous pouvons fournir une assistance.

Par exemple, quand l’Olympique Lyonnais mène ses campagnes de prospection en Chine, la direction du club est en contact régulier avec l’Ambassade de France en Chine et indirectement avec les services de la Filière.

Source photos : Ministère des Sports

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