En Février 2013, Europol met à jour un vaste réseau criminel qui a entraîné le trucage de plus de 680 rencontres sur le sol européen, empochant 8 millions d’euros de gains via un système de paris. 425 joueurs, arbitres et criminels sont impliqués dans ce scandale qui secoue le monde du ballon rond. Cependant, aucun match se déroulant sur le sol français ou impliquant un club affilié à la LFP n’est concerné par cette enquête. Les clubs de Ligue 1 et Ligue 2 sont-ils mieux protégés par cette menace ? Ecofoot mène l’enquête et interroge le président de l’ARJEL (Autorité de régulation des jeux en ligne), Jean-François Vilotte.
Les révélations effectuées par Europol en février 2013 ont provoqué une onde de choc dans les hautes sphères du football européen et mondial. Par le biais d’un vaste réseau international très bien organisé, et dont la direction se trouvait à Singapour ; plus de 680 rencontres ont réussi à être arrangés. Les malfaiteurs ont empoché 8 millions d’euros de bénéfices à l’aide de paris sur ces matchs truqués. Les matchs concernés ont surtout touché les championnats allemands, suisses et turcs. Mais des rencontres de Ligue Europa et de Champion’s League (dont une se déroulant sur le sol britannique) sont également dans le viseur.
Malgré l’ampleur de cette affaire, la France ne semble pas concernée. Aucune rencontre truquée ne met en jeu un club de Ligue 1 ou de Ligue 2. Les malfaiteurs ont-ils été dissuadés par la législation très stricte en vigueur en France en matière de paris ? Ont-ils eu peur des actions menées par l’Autorité de Régulation des Jeux en Ligne et la LFP afin d’assurer l’intégrité des rencontres sportives ? Force est de constater qu’ils n’ont pas pris le risque de développer leurs activités au sein de l’Hexagone…
L’ARJEL a un œil sur tous les paris en ligne pris en France
Préalablement interdits, les paris en ligne ont été autorisés en France à partir de mai 2010. Afin de mettre de l’ordre dans un secteur épargné par la régulation, le gouvernement français a mis en place un encadrement très strict de cette activité en créant l’ARJEL. Elle est notamment chargée d’agréer les opérateurs souhaitant exercer en France et de contrôler l’ensemble des paris sportifs réalisés en ligne.
Possédant un budget de 10 millions d’euros et employant une soixantaine d’agents dont 30 contrôleurs dévoués aux paris sportifs ; l’ARJEL exerce ses missions en toute indépendance par rapport aux opérateurs de paris ou aux fédérations sportives. Néanmoins, elle coopère avec ces dernières en recommandant des bonnes pratiques ou en croisant les fichiers des personnes interdites de paris.
Afin de réduire les risques de trucage, l’ARJEL est l’autorité compétente qui décide des paris mis en ligne par les différents opérateurs. Ainsi, elle a interdit les paris susceptibles d’être manipulés facilement : 1er carton jaune, 1ère touche, 1er corner… Il n’est plus autorisé également de proposer des paris sur des rencontres des championnats français dès lors qu’il n’y a plus d’enjeu pour l’une des deux équipes.
Pour réaliser les contrôles sur les paris enregistrés, l’ARJEL récupère directement les informations en temps réel sans avoir besoin de réaliser des demandes auprès des opérateurs agréés. Les informations sont alors stockées dans des « coffres forts informatiques ». « Si l’analyse d’une rencontre sportive révèle des statistiques qui s’éloignent d’une moyenne comportementale, alors une alerte est émise » nous explique Jean-François Vilotte. Une fois l’alerte émise, les contrôleurs de l’ARJEL démarrent leur travail d’investigation. L’anomalie peut présenter plusieurs formes : volumétrie anormale des mises, répartition géographique des mises inhabituelle….
Les compétitions françaises ne sont pas à l’abri de manipulations faites à l’étranger
« L’ARJEL émet chaque année une cinquantaine d’alertes, tous sports confondus » nous précise Jean-François Vilotte lors d’un entretien exclusif. « La plupart d’entre-elles sont classées rapidement car elles peuvent être expliquées par des facteurs sportifs. » Si une alerte parait suspecte aux yeux des contrôleurs, un dossier est transmis aux autorités compétentes.
En plus des contrôles effectués par l’ARJEL, la LFP met en place des mesures spécifiques et complémentaires permettant de lutter contre la fraude. Elle travaille avec un prestataire connu, employant d’anciens bookmakers, ce qui lui permet de contrôler les cotes sur plusieurs centaines de sites à travers le monde.
Malgré toutes les précautions prises, les compétitions organisées par la LFP ne sont pas à l’abri de réseaux mafieux complexes et internationaux d’après le patron de l’ARJEL. Aujourd’hui, l’ARJEL ne contrôle que les mises enregistrées au sein de l’Hexagone. Elle possède également des partenariats avec des autorités similaires dans les autres pays européens : Italie, Espagne, Grande-Bretagne… Elle peut être ainsi informée de paris suspects réalisés à partir d’opérateurs officiant dans ces pays et concernant des matchs français. Mais la remontée d’information n’est pas toujours aussi aisée : en Grande-Bretagne, les autorités doivent exercer une requête auprès des opérateurs pour récupérer les informations.
Afin de réguler plus efficacement les paris sportifs à l’échelle internationale, une convention est en train d’être rédigée au sein du Conseil de l’Europe. Jean-François Vilotte, également vice-président du Comité de rédaction, croit beaucoup en cette initiative afin de lutter plus efficacement contre les réseaux mafieux internationaux.
Aujourd’hui, grâce à la mise en place de l’ARJEL et aux actions menées par la LFP, la France possède un des systèmes les plus performants en matière de protection de l’intégrité sportive. Cependant, le dispositif ne permet pas aux compétitions organisées par la LFP d’être complètement à l’abri d’une tentative de corruption menée par des organisations internationales. Cette vulnérabilité devrait être en partie corrigée grâce à l’établissement d’une convention pour lutter contre la manipulation des compétitions sportives notamment en lien avec les paris au sein du Conseil de l’Europe.