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Interview

« Le monde des supporters a toujours été mal perçu par l’élite dirigeante »

Romain Biard - Shutterstock.com

Si les droits et les libertés des associations de supporters ont été quelque peu bafoués en France au cours des dernières années ; certaines problématiques liées au monde des tribunes ont dernièrement émergé dans le débat public. Grâce aux initiatives de deux parlementaires, Marie-George Buffet et Sacha Houlié, une trentaine de propositions ont ainsi été formulées pour redonner des droits mais aussi des devoirs aux groupes de supporters. Une démarche qui va dans le bon sens pour Pierre Rondeau, Co-Directeur de l’Observatoire du Sport à la Fondation Jean Jaurès. Même s’il faudra sans doute attendre encore un peu pour y déceler des avancées concrètes dans le traitement des supporters. Entretien.

Comment ont évolué les relations entre supporters, directions des clubs professionnels et pouvoirs publics en France au cours des dernières années ? Les questions liées au supportérisme sont-elles mieux prises en compte par l’ensemble des parties prenantes ? Ou, au contraire, les droits des supporters ont-ils reculé au cours des dernières saisons ?

Depuis toujours, le football s’est constitué avec et en accord avec les supporters. Le professionnalisme et la diffusion du sport se sont développés par l’entremise et l’importance des fans et du public. Ils sont une entité à part entière et historique du football. A ce titre, leur place est indispensable, automatique et assurée.

Seulement, depuis quelques années, ils ont connu une certaine relégation de leur rang. L’explication économique est cynique, en tout cas dans les championnats du Big-Five : l’importance prise par les droits TV a mécaniquement rendu la part de la billetterie, donc des supporters, marginale, quasiment insignifiante. Il suffit de regarder la reprise des matchs en Europe, sans public, dans des stades vides mais diffusés à la télévision. En moyenne, les droits TV représentent 36% des budgets des clubs de Ligue 1. Et la billetterie ? Seulement 9%. Disons-le simplement, ils ne sont plus aussi importants qu’avant, d’un point de vue strictement économique.

Produits d’exploitation (en M€) – Ligue 1 – 2018-19

Du côté des autorités et des pouvoirs publics, c’est une forme d’imprégnation qui s’est opérée, sans forcément parler des mouvements violents, comme les hooligans, ou les perturbations de l’ordre public. Les faits de violence sont de plus en plus rares et plus personne, depuis longtemps, n’a peur de venir au stade. Seulement, profitant du retrait continu de la part économique, les clubs ont pu laisser les autorités agir contre les supporters, afin d’assurer une stabilité publique sans effort et sans contrainte. Plutôt que de travailler sur un dialogue et une négociation entre chaque membre, on a préféré interdire mécaniquement, contraindre et restreindre. Les droits des supporters ont été altérés et réduits, ces derniers ont été relégués au rang de citoyens de seconde zone.

Mais cela n’est pas impactant économiquement et puis, qu’ils se plaignent ou non, les supporters ne seront jamais suffisamment nombreux pour être écoutés. Du côté des autorités, le coût de cette stratégie est minimisé et légitimisé. C’est malheureusement gagnant-gagnant en quelque sorte.

« Les droits des supporters ont été altérés et réduits, ces derniers ont été relégués au rang de citoyens de seconde zone »

Mais ne voyons pas tout négativement, le verre n’est pas à moitié vide. Les choses changent et s’améliorent. De plus en plus, l’opinion publique reconnaît l’importance du mouvement de supportérisme et ne le catalogue plus comme un repère de violents hooligans homophobes et racistes. Il y a un retournement que le champ politique tente d’intercepter. Idem du côté des clubs et des directions, qui ont très bien compris, à travers l’analyse économique, l’importance des supporters et des stades ambiancés, afin de dynamiser les recettes et de maximiser les revenus.

Un rapport d’information porté par les députés Marie-George Buffet et Sacha Houlié, contenant une trentaine de propositions, a dernièrement été présenté. Que pensez-vous de ce rapport ? Les propositions formulées constituent-elles un solide socle pour construire un modèle français du supportérisme ?

« Le monde des supporters a toujours été mal perçu par l’élite dirigeante »
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