Interview

« Pour Villarreal, c’est difficile de lutter contre la concurrence des clubs anglais »

Ecofoot.fr a eu la chance cette semaine de s’entretenir avec Antonio Salamanca, recruteur pour Villarreal CF. Au cours de l’entretien, nous avons évoqué le travail de scout tout en abordant certaines évolutions du marché avec notamment la montée en puissance de la Premier League.

Pouvez-vous présenter votre parcours dans l’univers footballistique ? Comment êtes-vous devenu recruteur pour Villarreal CF ?

J’ai démarré dans le secteur comme intermédiaire d’un agent espagnol. J’étais chargé de repérer les joueurs à potentiel sur le marché français. Mais le métier d’agent m’a rapidement fatigué, en grande partie à cause des joueurs et de leur entourage.

A un moment donné, j’ai souhaité réorienter ma carrière. Via mon parcours en tant qu’intermédiaire, j’ai réussi à obtenir une bonne réputation au sein du secteur. Régulièrement, je recevais des compliments de la part de directeurs sportifs avec lesquels j’avais noué de bons contacts.

Je me suis donc décidé à quitter mon premier métier pour entamer une carrière de scout/recruteur auprès de clubs professionnels. J’ai démarré cette deuxième phase de ma carrière à Tottenham. J’ai collaboré pour les Spurs durant quatre saisons et demie.

Après cette première expérience à Tottenham, je décide de tenter une aventure en Ligue 1 en signant à l’AS Saint-Etienne. Mais j’ai rencontré des difficultés chez les Verts à mener à bien mes missions. Les résultats du club n’étaient pas bons à l’époque.

Antonio Salamanca a travaillé pour Tottenham, Saint-Etienne et Liverpool avant de devenir scout pour Villarreal CF

J’ai rebondi par la suite à Liverpool. Le club m’avait contacté une première fois avant que je m’engage avec Tottenham. J’exerce durant deux saisons et demie auprès des Reds. Enfin, Villarreal CF me recontacte au moment de la fin de mon aventure avec Liverpool FC. Le club avait déjà pris contact avec moi quelques années auparavant.

Au moment de cette seconde prise de contact, Villarreal CF venait de remonter en Liga. Le projet était très emballant. J’ai décidé d’accepter la proposition et depuis ce jour je travaille au club.

Rencontre-t-on de grosses différences dans le fonctionnement du département scouting en fonction des clubs ?

Oui, il existe de très grosses différences de fonctionnement. Vous ne disposez pas des mêmes conditions de travail à Liverpool par rapport à un club comme Saint-Etienne par exemple.

Il existe tout d’abord des différences au niveau organisationnel. Chaque club possède son organigramme et déploie sa propre méthode de travail en adéquation avec son organisation. Certains clubs vont également être plus ou moins attentifs aux conseils provenant de personnes extérieures au club. Après, il y a bien évidemment des différences dans les moyens mis à disposition des recruteurs pour accomplir leur travail.

A Villarreal, je peux vous assurer que chaque employé possède une mission bien précise et un périmètre de travail bien délimité. Chacun remplit son rôle. Tous les acteurs œuvrent pour le bien du club. Et la communication entre tous les interlocuteurs est régulière et très bonne, ce qui permet de faire avancer efficacement les dossiers. Nous avons un très bon mode de fonctionnement, ce qui explique en grande partie nos succès sur le marché des transferts.

Selon moi, en France, un bon nombre de présidents prennent trop de place dans les clubs de football. En plus de présider, ils peuvent parfois imposer leurs avis au directeur sportif voire à l’entraîneur ! Cette organisation nuit au bon fonctionnement d’une cellule de recrutement.

Quelle est la journée type d’un scout ? Comment sélectionnez-vous les matchs auxquels vous assistez ?

Premièrement, nous identifions les besoins pour le prochain marché des transferts. Ensuite, j’essaie d’optimiser mes déplacements afin de voir un maximum de matchs dans le week-end tout en tenant compte des besoins du club. A chaque rencontre, on observe attentivement quelques cibles définies en amont.

Parfois, je suis également amené à me déplacer pour voir un match si j’obtiens une information intéressante sur la situation contractuelle d’un joueur via mon réseau. L’obtention d’informations intéressantes peut m’amener à changer mon planning. Il faut être réactif dans le métier de scout !

Lors de bons week-ends de travail, je vois plusieurs matchs en tant qu’observateur. Mais, pendant la semaine, un scout revoit de nombreux matchs en vidéo, notamment pour valider les caractéristiques observées en direct sur un joueur.

Quelles sont vos relations avec les agents de joueurs ?

Dans notre travail, nous avons besoin des agents. Ils nous donnent des renseignements précis, notamment au niveau des clauses des contrats. Pour nous, c’est très important de nouer des liens avec les intermédiaires. Il y a des détails qu’eux seuls connaissent puisqu’ils ont négocié les contrats de leurs clients.

Ensuite, nous ne prenons pas les informations de n’importe quel agent. Je me suis construit un réseau auprès duquel les agents bénéficient d’une bonne crédibilité à nos yeux et inversement. Je vais donner plus ou moins d’importance à une information en fonction de la proximité créée avec l’agent.

Que pensez-vous du marché français ?

Le marché français est très intéressant. Néanmoins, nous rencontrons un problème majeur sur ce marché. Les clubs de Premier League sont désormais capables d’investir des sommes astronomiques sur des joueurs en devenir. Pour Villarreal, c’est difficile de lutter contre la concurrence des clubs anglais. Si un club de Premier League rentre dans la bataille pour enrôler une de nos cibles, nous savons que nous rencontrerons de grosses difficultés pour boucler l’opération.

Néanmoins, nous avons tout de même quelques atouts à faire valoir. Tout d’abord, nous évoluons dans un championnat très attractif. Ensuite, on bénéficie d’un cadre de vie exceptionnel à Villarreal. Il s’agit d’un club familial, situé près d’une station balnéaire, et qui entretient de hautes ambitions sportives. Ces arguments peuvent parfois faire la différence par rapport aux sommes mises sur la table par les clubs anglais. D’autant que la Premier League ne permet pas forcément aux joueurs de réussir : certains jeunes joueurs de L1 retournent dans le championnat français en prêt après seulement une saison en Angleterre.

Sources photos : Wikipedia.org – CC BY-SA 3.0 / Antonio Salamanca

To Top
Send this to a friend